Luce Péclard, Pars si tu peux

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  • Luce Péclard, Pars si tu peux, préface & illustrations de Jacques Herman. Editions du Madrier, Suisse, 2012 (100 pages ; format 15×20).

Au survol du dernier ouvrage de Luce Péclard Pars si tu peux, la première impression est le ressenti du souffle essentiel d’un doux vent de liberté, tout imprégné d’une belle lucidité.

Pénétrons à pas retenus ces espaces de l’inconnu, ces champs hors du temps, loin des voies jalonnées.

« Quitte tes quatre murs,

Verrouille à triple tour,

Jette la clé

Avec tes peurs. »

Ici tout est dédoublement, alternance, tant de l’intérieur que de l’extérieur.

Luce Péclard nous démontre par ce recueil son besoin d’intemporalisation, cette soif d’évasion, au risque même de se perdre dans les méandres de l’infini, de plonger avec Pégase et Icare dans l’aventure du vide. Patiemment elle sculpte son œuvre mot après mot y révélant les formes qui sommeillent en elle, elle élague jusqu’à la révélation.

Luce Péclard éprouve parfois ce besoin du regard de l’autre, ce qui est très légitime, sorte de sécurisation existentielle nécessaire.

Elle joue sur les fragments de vie, les parcelles édifiant l’existence, tout en continuant à s’étonner de l’ordinaire, à s’éblouir de la simplicité.

« Une journée aussi légère

Que la bulle au ciel, éphémère. »

Peu de choses suffisent au poète, une lueur d’étoile est suffisante pour améliorer la progression de son chemin terrestre, pour modifier l’angle de vision, pour mieux se rapprocher d’une perspective différente, aller vers une lumière nouvelle.

Comme dans la majeure partie de ses œuvres Luce Péclard tend vers le bon sens du cœur, à l’offrande de l’âme qui voudrait contenir la clé de l’univers : «  Sens & essence du monde. »

Elle considère que trop de questionnements demeurent en suspension, au travers de « l’homme » oscillant toujours du meilleur au pire, de la joie à la douleur, de l’espoir à la torpeur !

« C’est sans nous que se fait l’histoire.

J’entends : l’effrayante machine

…………………………………….

Qui produit des tyrans

Et décime des peuples. »

Surprise parfois par le réflexe de l’enfance, elle conserve toujours ce besoin instinctif de se protéger dans les jupes de la mère, de retrouver les parfums lointains et les odeurs de poussière de la craie sur le tableau noir.

Telle est son errance au fil des images sans but précis, au hasard du chemin. Prendre conscience de notre état de sursis, du miracle de l’instant.

Luce Péclard, vit la poésie un peu comme une prière, une incantation, mais non pas dirigées vers un « Dieu » innommable et innomé, mais plutôt vers le Divin, le sacré, l’universalité.

S’éblouir, s’éblouir, sans cesse s’étonner, oser prendre l’inconnu par la main.

En effet, pourquoi vouloir à tout prix partir à l’autre bout du monde, alors que tout est contenu dans l’informel du poème.

Le poète prend des risques, il lance des défis avec toutes les chances de s’échouer misérablement. Rude constat de notre impuissance face aux rouages broyeurs de l’histoire, terrifiantes mécaniques animées des hommes ignorants et cupides, folie usant la corde jusqu’à la rupture !

« Qui construit ses rouages

Au-dessus de nos têtes,…/… »

Comment ne pas cautionner la saisissante clairvoyance des poèmes de Luce Péclard, comment ne pas surligner ses cris de vérité, mais qui saura vraiment comprendre, qui pourra réellement entendre.

Si un seul lecteur en est convaincu, alors Luce Péclard a gagné son pari !

Indéniablement Luce Péclard demeure dans l’attention, la réflexion, à l’écoute de la petite voix de son espace intime en communion avec le monde et l’eau limpide du torrent qui décrypte les secrets de la pierre.

« J’essaie d’imiter Michel-Ange

A grands coups de burin

Dans le roc quotidien. »

Sorte de militante discrète Luce Péclard formule les plus beaux espoirs sur l’éventuelle reconstruction du monde par l’acte de la poésie, germe porteur de tous les possibles.

S’ouvrir à l’essentiel en se reliant à l’univers !

« Mais le Poète sait d’instinct

Comment tomber dans l’infini ! »

Luce Péclard jongle avec les mots qui s’échappent parfois dans un vol désorienté, indompté et puis peu à peu elle restitue ordre et cohérence dans cette frénésie sauvage.

Il arrive aussi que les vers s’égrènent au rythme de quelques fêtes grégoriennes tout en se confondant aux variations pastorales.

Tout est signe qui ensemence la mémoire.

Alors, partez si vous le pouvez, mais ne le faites pas sans placer dans votre viatique ce beau recueil de Luce Péclard : «  Pars si tu peux.» magnifiquement illustré des subtiles et délicates aquarelles du peintre et préfacier Jacques Herman. Judicieuse osmose du texte à l’image.

◊Michel Bénard