François Folscheid, Ombres et lueurs de l’involuté, Éditions du Petit Pavé, 2018

Une chronique de Claude Luezior

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François Folscheid, Ombres et lueurs de l’involuté, Éditions du Petit Pavé, 2018

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Il faut bien le dire, le thème de ce recueil, à savoir la séparation d’avec l’être aimé, tétanise. Archéologie de l’amour (..) : pourquoi fouiller la cendre froide de sentiments qui n’ont plus de prise que sur eux-mêmes ? Pourquoi, dans les branches mortes, chercher l’envol de l’oiseau qui a fui ?

Mais il faut bien l’admettre : la plume de François Folscheid est magicienne. Si son expérience de vie retrace ce douloureux passage que d’aucuns ont pu ressentir dans leur chair, le miroir aux mots qu’est la poésie éblouit ici le lecteur d’un éclat rare. Et les circonvolutions de notre cervelle de se tordre face aux recroquevillements de l’âme, aux tourments partagés, à cette manière de mascaret qui recouvre le fluide journalier de l’onde.

Partager la souffrance, certes. Survivre aussi, cicatriser avec le narrateur, au fil d’un divorce encore à vif :  ce mot est si lourd. Après le naufrage, reconstruire. Ne pas compter les voies d’eau et les poissons morts. Tenir la barre, toujours, vers le haut de l’horizon, (…) passer au bleu des lavoirs le drap des blessures. Accompagner l’auteur, dont les mots semblent issus de notre propre chair, sur son chemin de croix.

Ce dernier est d’autant plus âpre que chaque épine est parfaitement aiguisée, que chaque clou étincelle sous une éblouissante métaphore. Saigner sous ces mots, c’est ne plus tenir longtemps la ligne droite, car mon soleil est pâle et mon enclume friable. La mélancolie s’y infiltre sans peine et « l’involuté » de nouveau se reforme : enroulement, repli, boucle de soi en soi, (…) horloge à rebours, sable revisité après l’inversion du sablier.

Nous voici donc dans cette pensée qui se recroqueville, se plie et se replie dans sa douleur, mais qui, tout autant, prie quelque divinité salvatrice au-delà du souvenir : le lieu de la beauté n’est-il pas d’équilibre, à cette frontière insaisissable entre l’effacement de la nuit et le frémissement de l’aurore ?

Retour en pays de Loire, à la fois terre d’enfance et terre promise, terre de Sienne du peintre et terre d’argile du thérapeute. Terre-mère, terre de l’affligé et terre nourricière. Retour d’un migrant sur ses propres arpents: odeur de Loire et de tuffeau, peut-être, dans le gravier du coeur.

Le verbe étincelant nous fait penser à Christian Bobin. L’attirance magnétique vers les vertus cicatrisantes du fleuve quasi-sacré, évoque en nous les lignes d’un Louis Delorme : eaux lustrales qui ont béni tant de poètes, de rois et de visionnaires.

Renaissance

Car cette confession de hautes eaux, au bout de ses itinérances, sécrète son espoir : désensablé de ses sommeils, vivre est un éclair au vif du temps. Et Folscheid de chuchoter in fine : la nuit à présent est délivrée, la nuit à présent ne craint pas la lumière.

L’écriture n’est-elle clef pour entrevoir l’intensité du réel et perce-voir l’état perdu de l’enfance ?

 

©Claude Luezior