Zao Wou-Ki, l’évidence ?

Chronique de Miloud KEDDAR

Zao Wou-Ki, l’évidence ?

Sur trois peintures de Zao Wou-Ki


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Zao Wou-ki « Nuage », 1956, Huile sur toile, 1956, (130 x 97 cm), Collection particulière.


 

Je viens vous entretenir sur Zao Wou-Ki. Zao était peintre et dessinateur. De Zao, j’ai retenu trois peintures : « Nuage » (intitulé simplement ainsi) et « Poursuite » (1955-1957). Par la suite et à la fin je ferai un rapprochement entre « 12.12.62 » de Zao et la peinture « Sur la terre » de Mark Tobey. Cela me tient à cœur ! « Nuage » de Zao et le rapport que j’ai à faire avec « Nuage rouge » de Mondrian ? « Nuage » de Zao est en son centre figuré par un nuage rouge peint (ou n’est-ce là qu’un quelconque astre rouge ?) et « Nuage » est de même par des signes. Quelque chose comme de la calligraphie. Les signes peints ou calligraphiés sont-ce ceux d’une langue qui dit le nuage ou n’est-ce là que des formes de nuages qu’a voulu représenter Zao Wou-Ki ? (Ou des signes d’une langue propre au peintre ? Zao Wou-Ki était un ami de Jean-Paul Riopelle. Il lui a dédié une peinture : « Hommage à mon ami Jean-Paul Riopelle – Histoire de deux érables canadiens ». Et nous savons de Riopelle, du moins dans ses eaux-fortes, qu’il a utilisé les signes d’une langue qui lui était propre. On peut donc le penser aussi de Zao. Toutefois il faut toujours avoir à l’esprit que Zao Wou-Ki était d’origine chinoise et qu’il avait commencé la pratique de son art dans ce pays).

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Piet Mondrian, paysage avec nuage rouge 1905

Le rapport entre « Nuage » de Zao et le « Nuage rouge » de Mondrian ? Zao était plus baudelairien que Piet Mondrian. « Nuage » de Zao est plus proche de la réalité, nuage en perpétuelle évolution, toujours changeant, de forme, entre autre. Un nuage (ou les nuages) qu’un des « tu » de Baudelaire aime : J’aime les nuages les nuages les nuages, dit le « tu » qu’interroge Baudelaire.

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Zao Wou-ki « Poursuite », 1955 -1957, Huile sur toile, (195 x 97 cm), Collection particulière.

Maintenant « Poursuite ». « Poursuite » (1955-1957) de Zao et « Autoportrait » de Ofer Lellouche. Avant tout sachons que de Ofer Lellouche et de sa peinture, Bernard-Henry Lévy dans son livre « Les Aventures de la vérité » évoque le « Coup de dés mallarméen », un rapprochement avec « Mallarmé creusant le vers, l’insaisissable et feinte solidité des mots ». Nous savons Ofer Lellouche « peut-être grec avant que juif » mais notons que sa peinture et surtout « Autoportrait » disent le surgissement. Le surgissement est également celui de la peinture de Zao Wou-Ki. Dans « Poursuite » on s’attend à voir surgir Lellouche. Poursuite-se-poursuivant-surgissant pour les deux peintres. Car nous savons que Zao était un peintre de la lumière (il a intitulé une peinture : « Il ne fait jamais nuit » !). Et Zao est aussi un peintre du surgissement. Je dirais donc pour Ofer Lellouche comme pour Zao Wou-Ki que dans leurs peintures « le coup de dés abolit le hasard » !

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Above the Earth (1953) Mark Tobey

Vient maintenant le rapprochement entre « 12.12.62 » de Zao et « Sur la terre » de Mark Tobey que j’ai dit me tenir à cœur ! En écrivant le titre « 12.12.62 », j’ai l’impression d’avoir affaire à Roman Opalka. Mais si Opalka peignait par les chiffres le temps et donnait les titres par des chiffres, Zao, lui, titrait certaines de ses peintures par leur date d’exécution tout simplement. Mais venons-en à «Sur la terre » et « 12.12.62 ». Par quel biais pouvoir parler de ces deux peintures, par quel biais les lier ? La couleur ! Dans une chronique sur « Sur la terre » de Mark Tobey, j’ai évoqué le cristal et le verre. La lumière donc. Atmosphère lumineuse, cristal reflétant sa lumière, verre reflétant la lumière, telle est « Sur la terre » de Mark Tobey. L’on peut évoquer l’atmosphère terrestre également concernant cette peinture. Prenons maintenant « 12.12.62 ». Il nous faut tracer des lignes droites maintenant, enlever des fragments du verre (disons qu’ s’il s’agit du verre) et mettons de la couleur rouge-rose-oranger et voilà « 12.12.62 » proche de « Sur la terre ». Le rapprochement entre ces deux peintures est osé, je l’avoue, mais n’est-ce pas là matière de théorie sur l’Art ?

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LELLOUCHE Ofer (né en 1947), Autoportrait, détail, 1994-95, aquatinte et acrylique sur papier, 193×105 cm, Genève, Krugier & Cie Art contemporain.

(Pour terminer, une précision : Si j’avais à faire un travail d’Historien de l’Art, j’aurais choisi de vous entretenir par exemple sur les peintures « 21 avril 59 » et « 01.03.60 » de Zao Wou-Ki mais je fais un travail de Théoricien de l’Art. Toutefois je ne nie pas prendre mes sources aussi bien dans l’Histoire de l’Art que dans les critiques sur l’Art. Mais mon travail, comme je l’ai laissé entendre plus haut, ne se limite qu’à une théorie.)

©Miloud KEDDAR