Thierry Radière, Poèmes géographiques, Le pédalo ivre, collection poésie, octobre 2015, 98 pages, 10€.
Poèmes géographiques, au pluriel. Pourtant ma lecture m’a laissé l’impression d’un unique et long poème se lisant dans un seul et même puissant élan. Aucune virgule, seuls quelques points ponctuent le rythme de l’histoire, des histoires, vies qui se nouent et se dénouent entre les Ardennes et les Landes, entre passés et présents.
Thierry Radière grâce à la fluidité de ses textes, au naturel et à la sincérité de son style partage avec son lecteur ses géographies, ces endroits où le souvenir s’arrête pour interpeller parfois de questions insolubles la personne qu’incessamment nous tentons de construire.
Au fur et à mesure, à la manière des flux et des ondes qui font et défont une rivière, les phrases inventent leurs propres temps de pause. Nids dans lesquels la vie couve notre âme, points de repères nécessaires à la progression. Au milieu de la phrase, entre les mots liés les uns aux autres surgit un temps d’arrêt infime. Là où on ne l’attend pas, la respiration du poète et celle du lecteur s’installent le temps d’une étincelle. Subtilement, le poème instaure les lieux de vérité. Le poème se démultiplie sous l’effet des voyages dans le temps, dans l’espace que rendent toujours possible nos facultés aux rêves, à l’écriture.
Penser c’est voyager, c’est visiter ces lieux multiples qui finissent par ne plus exister que dans nos souvenirs, dans notre esprit avec la même ferveur qu’une réalité tangible et quotidienne. Les poèmes géographiques comme autant d’étapes intermédiaires dans une vie permettent la progression. L’écriture de notre vie ne passe pas que par l’abandon et l’oubli bien au contraire elle se construit grâce à la belle et sensible acceptation de ce qui nous arrive. La poésie en ses multiples lieux et aussi ceux de nos enfances, grâce à ses géographies, ses différents visages nous permet d’exister. D’être là quelque part finalement pas si loin que ça de l’enfant, de l’adolescent que nous n’avons peut-être jamais cessé d’être.
Voici quelques fragments choisis au fil de ma lecture, je ne résiste pas au plaisir de les partager afin susciter d’autres lectures des Poèmes géographiques de Thierry Radière.
« Un jour quand ils seront partis
ou que le temps aura effacé
les routes du passé dans ton coeur
alors tu pourras y revenir
sans craindre de tomber nez à nez
avec les monstres bien pensants. »
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« nous nous reconnaissons
dans les mêmes mots qui nous vont si bien »
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« Nous sentions notre existence
sortir de la terre et s’exposer
au soleil(…) »
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« nos coeurs comme des chatons
abandonnés donnaient de gentils
coups de pattes au moindre
mouvement de feuille devant leurs yeux.
Dans les Landes on aurait envie
de revenir avec la mer dans son lit
et de laisser les vagues faire leur travail
avec nos rêves juste le temps d’une soirée. »
·
Thierry Radière fait partie des auteurs de Traversées puisque ses textes paraîtront dans le numéro de décembre.
Le pédalo ivre, collection poésie, Maison d’édition.
©Lieven Callant