Une chronique de Barbara Auzou


Laurence Délis, Le chant de l’eau, Peinture et poésie, BoD éditions, octobre 2025, ISBN: 978-2-3225-5508-6.
L’œuvre picturale de Laurence Délis m’évoque immédiatement l’art aborigène.
Autonomie de la couleur, utilisation du pointillisme et de la répétition, même mouvement et même vibration. Même espace pour le rêve – non pas proposé comme un monde de songe ou irréel – mais un ordre de réalité propre à transcender l’expérience quotidienne du vivre.
L’univers de Laurence Délis est un pays choisi. Un pacte tendre et puissant noué avec la vie.
On foule ici des endroits fous d’étendue.
Après avoir consacré en 2023 un ouvrage entièrement dédié aux arbres, Le chant des arbres, dans lequel peinture, dessins et poèmes se liaient déjà pour rendre hommage à nos grands frères des jardins, des parcs et des forêts, elle nous revient cette fois avec Le chant de l’eau.
L’eau, ce berceau si proche et si lointain.
Et on croise dans ce magnifique recueil tous les états de l’eau, de l’assaut des embruns à la récompense du sel.
Elle le dit ainsi, avec des mots simples qui touchent l’essentiel et qui m’ont parfois rappelé la poésie de Joséphine Bacon.

Les mots épousent eux-mêmes harmonieusement la page comme des galets de mémoire.
Ce recueil, Laurence Délis l’a voulu différent du précédent en introduisant l’utilisation du noir et blanc. Cet aspect m’a particulièrement émerveillée tant il est bien pensé et nouveau. On voit les couleurs dans le noir et blanc et l’inverse est vrai aussi. Et c’est un extraordinaire dialogue qui se noue entre ces deux techniques, les deux se complétant et se poursuivant avec une harmonie que je qualifierais de respiratoire.

Tout d’ailleurs vient amplifier cette impression de mouvement et de respiration : tableau en double page et sans texte qui vient nous surprendre, nous prendre les yeux et le cœur

Miniatures semées çà et là ou détails en gros plan comme autant de cordes de rappel ou de fils d’unité.


Tous nos sens sont ravis. On suit la belle lumière dont elle tresse les intentions.
On lape l’espace.
On change l’eau de nos cages pour ce cadeau si maltraité d’une vie consciente et apaisée qu’on a envie soudain d’appeler d’un nom de proximité et d’espoir.
Je laisserai à l’artiste complète qu’est Laurence les mots de la fin :
« Il flotte
à perte de vue
l’essentiel d’un éveil
à venir »
