Daniel De Bruycker, Passeports pour ailleurs, Poésie mémorielle Wu-Sun, L’Arbre à paroles, 291 pages, 2018, 18€

Une chronique de Lieven Callant

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Daniel De Bruycker, Passeports pour ailleurs, Poésie mémorielle Wu-Sun, L’Arbre à paroles, 291 pages, 2018, 18€


Tout livre de poésie est une aventure. Aventure de l’écriture, aventure de la traduction ou de la transposition, aventure d’autant plus périlleuse quand il s’agit de composer une anthologie rassemblant les poèmes des Wu-Sun, peuple nomade de l’Asie centrale. 

L’aventure de cette anthologie est une histoire presqu’irréelle que raconte fort bien Daniel De Brucker dans la présentation. Presqu’irréelle car il a fallu quelques hasards heureux, des rencontres magiques, la perspicacité et la ténacité de quelques férus comme le linguiste d’origine croate, Ilan Precjev-Ilan (1927-2015). Rassembler les poèmes des Wu-Sun est le travail d’orfèvre de quelques chercheurs passionnés, de quelques rêveurs acharnées, de quelques poètes chanceux. Pour traduire les poèmes du tokharien au français, les deux auteurs de ce livre se sont aidés de plusieurs langues afin de saisir et de s’enseigner mutuellement les nuances à ne pas perdre dans la traduction et dans le but d’établir des analogies possibles avec le français.

« Toute écriture est célibataire, chacune attend, depuis toujours et pour autant de siècles qu’il le faudra, l’âme soeur dont elle rêve en secret: le lecteur qui la fera chanter. »

Est la phrase que garde à l’esprit depuis longtemps, Daniel De Bucker et qu’il attribue au professeur Ilan-Precjev-Ilan. C’est par elle que commence la présentation de l’anthologie car le poète en a fait une maxime qui le guide dans le travail de l’écriture et qui peut nous servir à nous lecteurs qui recevrons les poèmes à nous interroger sur leurs naissances, leurs voyages, leurs silences. 

Appelé sur le site d’un ancien cimetière sogdien près d’Arpa, à 2800 mètres d’altitude au coeur des monts du Ferghâna, Ilan Preciev-Ilan découvre un peu par hasard dans la niche d’une sépulture très ancienne, une pochette de cuir contenant ce qu’il croyait être une « panoplie d’herboriste ». C’est en voyant dans un musée, d’autres panoplies du même type mais réalisées à partir du cuivre qu’il comprend que ces assemblages sont les signes d’une écriture tokharienne. 

En étudiant de plus près ces panoplies et leurs copies réalisées par les héritiers Wu-Sun, Ilan Precjev-Ilan découvre qu’il s’agit d’un poème, l’unique et ultime poème qu’un membre de la tribu Wu-Sun dédie aux siens. Chaque membre de la tribu sera un jour appelé à rédiger le sien dans une langue qui finalement ne sera plus que dédiée à cela. Cette découverte bouleversera la vie du chercheur: il la consacrera à rassembler et traduire la quelque centaine de poèmes que les Wu-Sun ont su garder précieusement comme un secret.

Le dernier poème que les membres de la communauté Wu-Sun écrivent à l’approche de leur mort, ne se limite à n’être qu’un passeport pour l’au-delà, le futur défunt dresse un portrait de lui-même et de son bref passage sur terre en réalisant un mœñawidha à partir de feuilles de chanvre pliées de différentes manières réparties sur 9 cordes et entrecoupées par des brindilles et des baies, les cordes sont ajustées sur l’abaque. 

Les « panoplies les plus anciennes datent à peu près du quatrième siècle de notre ère. Mais le rituel serait bien antérieur. « le poème-abaque devait être suspendu au dessus de la tombe contenant l’urne funéraire, frémissant au vent- puis quand on eut remplacé le chanvre par des éléments métalliques tintant comme un carillon-, et rester là jusqu’à qu’une tempête le disperse ou qu’un voleur s’en empare. C’était le signe que le message était « passé » ou que les contingences de la vie-d’ici bas avaient cédé le pas à celle de l’autre vie.» Plus tard, l’usage d’en réaliser des copies écrites, conservées au sein du clan, a sauvé de l’oubli ce rituel si singulier.

Le poème comporte neuf vers répartis en trois strophes. La plupart des poèmes recueillis sont l’oeuvre d’auteurs anonymes et sont comme des testaments spirituels. Le rite qui consiste pour le futur défunt à réaliser son mœñawidha  « le geste lui-même a perduré presque sans changement, y compris la langue -qui bientôt limitée à ce seul emploi, s’est figée en son état ancien- et aussi l’alphabet qui la note(…) les signes de cette écriture reproduisent fidèlement la forme des éléments métalliques enfilés sur les fils de l’abaque eux-mêmes modelés d’après les feuilles, les segments de tige et les graines de chanvre d’antan. »

Pour bien comprendre les Wu-Sun, il faut pour Ilan-Precjev-Ilan se « faire une idée du traditionalisme presque maniaque de tout cela, quand vous ressentirez avec quelle rigueur ces gens se sont accrochés depuis trente siècles à la perpétuation de ce rite, ultime témoin de leur identité, et quand vous mesurerez l’espoir paradoxal attaché à ces minuscules testaments, oeuvre de mourants résolus, à l’approche du trépas, à se définir en tirant la leçon de leur existence alors je vous ferai lire les poèmes » Dit-il à Daniel De Bruycker.

« Le message était pour le vent, pour le ciel et rien d’autre. Les cendres étaient pour le sol et le temps, sans plus. Seul le souvenir, supporté par le mœñawidha, revenait aux hommes, à ceux du clan, à la descendance. La mémoire des leurs: pour eux, je crois bien que c’était plus sur que les tombeaux. »

Quand on prend conscience de ces particularités, des efforts combinés, on observe d’un autre regard la poésie. On ré-interroge sa singularité. Son pouvoir pour certains, ses limites pour d’autres. Son apparent déclin, son abandon ou au contraire sa magie retrouvée. L’essence ultime de la poésie se résume peut-être en cela: elle nous aide à vivre comme elle nous guide vers la mort tout en nous enseignant le caractère éphémère et presque vain de toutes nos gestes. Elle nous apprend à lire en creux, entre ses lignes, entre les signes qui bien vite s’évapore.

Tous les poèmes de ce livre ne sont pas dus à des poètes de métier, ils sont le dernier, l’ultime et souvent l’unique poème d’un homme qui tente dans ce dernier geste de se faire le témoin de tout un peuple que les guerres de conquêtes déciment, détruisent. En même temps que d’être une révolte, c’est aussi une voix qui s’éteint. Lucide. 

Notre longue histoire de conquêtes et de guerres a fait disparaitre bien des peuples et leurs secrets, a englouti des langues, des traditions, des arts, des connaissances, des sciences et des savoirs. Á cause de notre aveuglement ou plus simplement de notre désintérêt, de notre lassitude. Á cause de nos angoisses et notre peur de l’autre. J’ose croire qu’il faut à l’humanité un poème pour la sauver, pour éclairer sa conscience et ce poème germe en chacun d’entre nous. 

Daniel De Bruycker, accompagne chaque poème d’une remarque explicative et termine l’anthologie par de belles notes éclairées sur les Wu-Sun, sur la langue et ses supports, sur l’écriture unifiée d’un peuple dispersé.

En dehors de la singularité de chaque poème dans une langue qui ne propose pour ainsi dire pas de forme rigide et rigidifiée qui enfermerait dans sa rigueur toute la spontanéité et relative simplicité des messages, au delà de l’appel lancé à l’infini d’un être humain qui acquiert soudain la notion de la brièveté de sa vie, de sa maigreur, il subsiste malgré tout le sentiment aveuglant des pouvoirs mystérieux du poème. Au moment où il s’écrit, on croit tenir un pendant de vie, quand il se lit on n’en perçoit plus qu’une trace qu’on peine à reconnaitre. La recherche de l’ultime poème occupe une vie. 

Voici quelques extraits :P71.jpeg

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© Lieven Callant

Paul Mathieu ; Qui distraira le doute ; poésie ; L’Arbre à paroles ; 2005 ; 122 p

Chronique de Miloud Keddar

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Paul Mathieu

Paul Mathieu ; Qui distraira le doute ; poésie ; L’Arbre à paroles ; 2005 ; 122 p ; 12 euros.


Qui distraira le doute ? Un train qui part, le roulis de la mer, « personne » ?

Parler de la poésie de Paul Mathieu, de l’œuvre menée à ce jour ? Je n’ai pas la prétention, ou, plus exactement, l’occasion. De Paul Mathieu, je n’ai lu que trois ouvrages. « Le temps d’un souffle » en premier, puis « Auteurs autour » (qui a paru environ un an avant) en second, et je viens de lire, il y a peu, le troisième livre : « Qui distraira le doute ». Je ne m’attarderai ici qu’à ce dernier. Du premier, j’ai déjà fait une timide approche, et du second, j’ai à dire que c’est là un regard de poète sur la poésie ou, plus justement, un regard « dans la poésie ». Un poète même lorsqu’il se penche sur l’œuvre d’un autre poète reste un poète. Et nous tirons un bien des lectures que fait Paul sur les autres œuvres de la poésie, car un poète qui fait une approche d’un autre poète nous éclaire sur sa propre poésie. Retenons par ailleurs que si j’ai dit ne m’arrêter qu’au seul dernier livre lu de Paul Mathieu, mon approche ne se fera toutefois qu’avec un regard sur les deux autres.

Quel éclat dans la voix de Paul Mathieu ? De la fulgurance, par l’esprit, et tout le poids d’une parole simple ! Non, vous n’êtes pas un « poète de l’ombre », cher Paul ! Lumière, franche ; parole, de jour. Et poésie souvent allégée de son poids de trop penser, poésie pourtant de « poië-sens », parole des jours et des fruits, d’éclat et de chant ! J’ai presque tentation d’écrire des poèmes sur les poèmes de Paul Mathieu, mais de moi, de la réserve, de la retenue, la poésie de Paul n’a besoin de pendant que quelques traits au pinceau, aux crayons ou à la plume. Et ce sera ici, entendons-nous bien, l’exercice de la prose.

Le livre « Qui distraira le doute » est composé de poèmes et de proses et se présente en sept chapitres numérotés en chiffres romains. Et dès l’ouverture du livre, Paul Mathieu commence par nous donner l’heure : « 8 h 30 ». Ce même « 8 h 30 » se retrouve dans le texte qui clôt le chapitre six. Et le livre aurait pu se terminer là et avoir une unité. Toutefois une question : Avons-nous à l’esprit dès le début de l’écriture d’un livre l’architecture qu’il aura une fois terminé ? Une réponse : Peu s’en faut que ne s’en mêle le hasard ! Dans la structure du livre encore autre chose : Les noms rapportés de poètes (en toutes lettres). D’abord « Celan » page 53, puis Jude Stéfan page 107, et enfin Lorca page 116 et qui à lui seul peut justifier l’écriture du septième chapitre ! De Paul Celan, il est dit : « Et combien

de nuits dérivant/ le cadavre de Celan ? ». Evocation de la nuit, de la mort ; et du fleuve, la Seine ; du roulis de l’eau, de la mer (n’est-il pas question de coquillages à plusieurs reprises ?). La poésie de Paul Mathieu est une « poésie en voyage », vers un ailleurs inconnu, il va s’en dire, et où mourir ou nous renouveler. Où le poète puise ! Pour Celan, le train « a filé trop vite » ? De Jude Stéfan, les « lectures (…) à bout/ de bras toute la journée », et pour Garcia Lorca une autre « heure arrêtée au cadran de la montre », un autre 8 h 30, « Lorca qui n’arrivera jamais à Cordoue», « le train encore en attente » ? « Qui distraira le doute » pour finir ? Je réponds : La lumière. La lumière qui par quelques biais est toujours présente dans les livres de Paul Mathieu. Preuve en est que la lumière l’emporte sur l’obscur. Et dès l’ouverture du livre : « 8 h 30/ Soleil en hausse », et puis plus loin : « De quoi rendre plus lumineux » pour oublier « l’inaction prolongée du hasard avec la chute prévisible d’un rayon ». Toujours est-il que nous serons « devant le paysage qui/ n’est toutefois pas simple paysage » ou encore « Là où il (l’arbre) dresse son nom/ qu’y a-t-il de plus qu’un arbre ? », se demande, et nous avec lui, Paul Mathieu. Et la réponse est-elle : La lumière de l’esprit ? J’en doute, c’est bien plus complexe que çà et seul a la clef Paul ou qui a connaissance de l’œuvre entière de Paul Mathieu. Toutefois, je dirais que la lumière guerroie l’obscur dans « Qui distraira le doute » et fait, il se peut, qu’il n’y ait pas de point d’interrogation au titre donné au livre ! Ou faut-il y voir un train qui mène à la mer, avec « personne » à bord ?

©Miloud Keddar

Pierre Schroven, Autour d’un corps vivant, L’arbre à paroles, Amay (Belgique), 98 pages, 12€.

Chronique de Jean-Paul Gavard-Perret

 

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Pierre Schroven, Autour d’un corps vivant, L’arbre à paroles, Amay (Belgique), 98 pages, 12€.

 

« Ce qui te porte loin sans regard / Se nourrit d’un geste / Qui ne demande qu’à grandir / Sous l’aile prémonitoire d’une corneille » conclut Pierre Schroven dans un texte lumineux écrit l’égide du peintre né à Liège Guillaume Cornelius van Beverloo cofondateur de Cobra et qui prit pour nom celui de la corneille.

Poète des instants, le poète les magnifie en prête païen (au surplis plié sur un prie-Dieu) pour officier non sans justice dans une écriture plus annonciatrice qu’énonciative et aux vagues chaudes d’un haïku d’un nouveau genre. Le monde recommence. Dans la lumière du soleil instillée entre les feuilles une femme semble venue d’un théâtre japonais pour, passant dans un jardin, glisser dans un lit parfait aux syllabes sonores.

Les poèmes rebondissent du corps pour enlacer le froufrou d’instants qui ouvrent à un désir « tatoué d’oiseaux invisibles ». Hortensias roses, hortensias blancs, murmures que murmures, la lumière au besoin se fait discrète. Reste l’instant, l’instant, l’instant : comme les poètes il ne doit pas disparaître mais renaître.

Schroven desserre le garrot des chronologies, remonte le temps comme une main d’homme grimpe langoureusement le long de la cuisse chaude d’une femme. Il neige des fleurs et chaque poème infléchit leur présence. La poésie n’explique pas elle reprend la familiarité avec le monde en rebond d’après ou d’avant. Mais c’est le présent qui impose sa force – comme le titre l’indique – « autour du corps vivant ». Débordements pythiques, onguents des caresse, bouche ouverte dans l’anamnèse, l’inarticulé, chutes par sursauts, chutes et remontées, extase plutôt que performance, chirurgie d’invisible, par raclement du réel pariétal : entre corps et âme, intériorité et « paysages », les circuits sont rebranchés.

©Jean-Paul Gavard-Perret

Béatrice Libert, Un chevreuil dans le sang, l’Arbre à Paroles.

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  • Béatrice Libert, Un chevreuil dans le sang, l’Arbre à Paroles.

L’œuvre de Béatrice Libert est d’une rare exigence. Un chevreuil dans le sang en permet la synthèse. Les mots coulent, apparemment intarissables, sans se déprendre du secret obscur qu’ils ne peuvent cerner. Si bien qu’ils se sont trop rarement détendus : l’angoisse n’y est jamais levée. Chaque fois le mot qui s’écrit fait figure d’être le premier, de (re)commencer. Mais aucune lumière n’est faite. C’est toujours le silence. Chaque texte reprend la même ignorance sans lui donner de réponse. L’écriture à beau vriller, s’enfoncer : les mots énoncent un vide, une absence à soi, aux autres, au monde. Si bien qu’à lire Libert on peut penser – comme elle – que seuls peut-être les illettrés sont habités de la certitude excessive de la présence…

L’entreprise de la poétesse n’a pourtant rien de nul. C’est comme si l’enfant tournait autour de sa faute dont l’écriture reste l’expression mineure et contingente. Avec le temps rien ne s’arrange. Les mots restent dans le manque à l’appel en dépit de l’insistance de l’avalanche des poèmes. Ecrire n’est que du « comme-ci » (Cl. Louis-Combet) et du comme ça. Du coup-ci coup-ça.

« Écrire avec du bruit

pour en faire du silence.

Écrire avec la clef

qui n’a plus de maison

Écrire avec le pas

sur la route du manque

Écrire avec la main

de l’enfant mutilé »

L’écriture s’engendre au seuil de l’absence. Chaque mot échoue à dire, passe à côté. Celui qui s’y engage se parodie en croyant trouver là un sens à sa voie qui n’en a guère. L’enfant qui tenta de se conquérir reste rivé à son origine. Certains ont cru s’en sortir par la recherche du temps perdu : ils n’ont fait que biaiser. A l’inverse la femme Béatrice Libert qui existe derrière la poétesse s’en remet à l’écriture pour se rendre à l’évidence de l’inéluctable. Elle nous dit en substance que nous ne sommes rien et que rien ne peut être dit. Toute la poésie gravite autour de ce noyau de vérité.

©Jean-Paul Gavard-Perret

Nicole Caligaris, Pierre Le Pillouër, « L’Expérience D », L’arbre à Paroles, Maison de La Poésie, Amay (Belgique), 10 €, 76 pages.

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  • Nicole Caligaris, Pierre Le Pillouër, « L’Expérience D« , L’arbre à Paroles, Maison de La Poésie, Amay (Belgique), 10 €, 76 pages.

« L’Expérience D » est une expérience réciproque, amoebée. Les deux auteurs en un pacte d’alliance ouvrent l’individualité de leur écriture à l’altérité. Les textes s’imbriquent, s’enveloppent l’un l’autre pour mieux se développer. Un auteur écrit parce que l’autre vient de lui proposer une « adresse ». Il s’agit alors de répondre à son attente loin de toute pose. Par cet entretien particulier chaque auteur remise son ego.

« Amené très bas

là où luit le dessus rond de son trésor ».

Il fait quelques pas dans les mots de son alter-ego ou si l’on préfère et comme l’écrit Pierre Le Pillouer : Il « fait quelques passages au milieu de (cette) danse ». Cela ressemble à un tango verbal. Tout y est permis puisque dès la page d’ouverture les deux auteurs se sont accordés sur la conduite à tenir.

On peut la définir comme une expérience de la périphérie de l’amour. Elle se nourrit non seulement des sentiments éprouvés mais de l’émotion suscitée par la lecture de Lautréamont et de Claudel, l’écoute de Bach ou de Monk. Dans cette communion hérétique une hostie mystérieuse se met parfois à saigner comme dans certains dessins du Moyen-âge. A cela une raison très simple : suivant l’injonction de Nicole Caligaris le « Nolo. Renoncer à la motricité » est remplacé par le « Volo. Epouser le bon vouloir du temps ». Si bien que le je solo inhérent à la poésie trouve par ce transport poétique une entrée différente : lorsqu’une des voix comme Phénix meurt, l’autre renaît dans la parole provisoirement abandonnée.

©Chronique de Jean-Paul Gavard-Perret