Pierre Schroven, La merveille d’être là, poèmes, L’Arbre à parole, 2024, 70 pp., 13 €

Pierre Schroven, La merveille d’être là, poèmes, L’Arbre à parole, 2024, 70 pp., 13 €


C’est un véritable hymne à la joie, hymne à la vie que Pierre Schroven nous adresse en ces pages. Une intense jubilation d’être, d’être là, présent, tout simplement ; hymne à l’amour également, car l’un ne va pas sans l’autre. Un peu comme si l’amour était pour l’esprit, pour la vie spirituelle, l’équivalent du soleil pour la vie du monde.

Nous ne pouvons mieux faire que de l’écouter, de recevoir, et de participer. De longs raisonnements, ici, ne feraient qu’affaiblir le poids des paroles, des sensations, des images :

« Ressasser le poème/ À maintes reprises dans la bouche /  Le mastiquer en silence / Et le regard tourné vers un arbre / Devenir tout autre chose que soi-même / Se nouer à l’infini d’un temps / Dont le geste invisible et volant / Défie les évidences trompeuses du jour. »

Cette image de l’arbre, du regard qui s’y fixe, reviendra à différentes reprises. Et, si je me souviens bien, Yahveh ne dit-il pas à un prophète de prendre le livre et de le manger ?

Ainsi, à la page suivante :

« J’attends que le monde me donne des nouvelles / Que son arbre pousse en moi /  donne des fruits / Secoue le soleil de mes yeux / Et ouvre en mon être qui se croit achevé / une béance. »

En ces premiers vers, déjà, tout est dit, et ce qui suit en sera seulement la réalisation : le rapport du poète qui doit dire le monde, et le dire, le porter à connaître, pour le poète, s’est s’accomplir soi-même, combler ce vide intérieur. Le monde, le poète et le lecteur : un seul tout irradiant la parole.

Epinglons seulement dans ce qui suit :

« L’instant qui fait peau neuve –  Ecoutant respirer les arbres – Quelqu’un marchera aujourd’hui / refusera de dire son nom – La joie consiste d’abord à assumer / À se réjouir du réel tel qu’il est  –  Que je n’ai plus de temps à perdre / et que c’est le moment de me sentir vivant – Tout est miracle signe symbole – La beauté de la vie se tient prête / Se délecte des formes avenantes du jour – Et pour une raison inconnue / Balbutie en mon corps la grande folie d’aimer – Rien ne changera / Rien n’ira de soi … »

Le ton bien souvent est celui d’une joie violente, irradiante, à laquelle rien ne peut résister, comme la force d’un grand fleuve, d’un feu dévorant, et pour peu, on se croirait auprès de William Blake, et de ses « Chants de l’innocence et de l’expérience ».

« …une parole / Qui n’a de sens que dans la vérité des étoiles » « Je me plais en ce monde / J’aime tout » « Tout s’en va toujours plus loin / Marche dans sa paix » (et n’est-de pas là l’équivalent d’un vers de Victor Hugo, repris par Julien Green pour titre d’un de ses romans : « Chaque homme dans sa nuit / Marche vers sa lumière »

« Un grand besoin d’être et d’aimer »  « Il me reste peu de temps à m’aimer » «…le grand miracle d’être en vie »

Il me pardonnera, je l’espère, de m’être perché dans son arbre, pour y grappiller images et paroles, plutôt que de trop les commenter.

Car c’est un arbre de vie, et les fruits qu’il porte sont ceux de la poésie.