Nadège Cheref, La chair équivoque, Avec des peintures de Jean-Claude Hérissant,Tarmac Édtions, avril 2025, 48 pages, 19€.

Nadège Cheref, La chair équivoque, Avec des peintures de Jean-Claude Hérissant,Tarmac Édtions, avril 2025, 48 pages, 19€.


La chair d’un poème est-elle le mot, le vers, la rime? Si tel est le cas le titre de cet ouvrage me fait songer aux textes médiévaux ou la rime équivoque est centrale et constitue une prouesse qui donne aux poèmes une profondeur toute en nuances et effets calculés. Un jeu subtil qu’on ne manque pas de retrouver d’une certaine manière dans certaines oeuvres peintes. Couleurs, symboles, formes s’associent pour ouvrir l’esprit à une profondeur de champ qui réjouit souvent mon imagination.

La chair d’un poème, la chair d’une peinture peut aussi être son thème et il semble que ce soit vers cela que se tourne Nadège Cheref. La poésie sous ses divers atours parle d’amour. Lui offre mots, images. Le met en lumière, en scène ou le plonge dans la pénombre. Le questionne, l’interpelle. Tente peut-être de le comprendre.

Dès le début du recueil, on apprend que « L’amour n’est que substance indécise ». L’auteur pose dès la première page, la souffrance qu’il provoque en particulier lorsqu’il asservit et rend l’un des protagonistes terriblement dépendant, troublé, déraisonnablement tourmenté. 

La chair équivoque est avant tout un texte de confidences, une palette de sentiments extrêmes et complexes, contraires et contradictoires. La solitude côtoie un désir d’absolu impossible à satisfaire. Le corps souffre autant que l’esprit lorsque celui-ci s’éprend d’un autre corps. De l’autre plus simplement. Est-ce lui qui est à l’oeuvre dans le chavirement, dans l’implosion des sensations, dans l’explosion des saveurs? D’où vient la nécessité de la révolte, de la liberté? Qu’est-ce qui motive les questionnements troublés face à l’évanouissement du temps, face à la mort, au néant? 

L’écriture poétique n’offre aucune réponse même celles toutes faites ne suffisent pas. La vie n’est pas forcément lumineuse, lisse, exempte de larmes. Surtout pas. Paradoxalement, l’absence d’amour, nous fait comprendre jusqu’en nos chairs sensibles à quel point il doux, nécessaire d’en subir les excès. 

Les peintures de Jean-Claude Hérissant accompagnent les textes dans cette interrogation des limites tout en puisant dans les matières et les textures, diluant les couleurs et les ombres dans une sorte de lumière surgie du geste.