PRIX DE POESIE NICOLE DRANO-STAMBERG

Prix de poésie Nicole Drano-Stamberg
Ville de Frontignan en Occitanie


L’appel à candidature est ouvert du 1er juillet au 31 octobre 2025.



Ce prix entend honorer la mémoire de Nicole Drano-Stamberg, née à Lodève, décédée à
Frontignan le 19 juin 2023, co-responsable avec son époux Georges Drano de l’association
Humanisme et Culture
, qui a organisé de nombreuses lectures de poésie de France et du monde à
Frontignan et alentours, collaboratrice du festival Voix de la Méditerranée de Lodève, puis Voix
Vives de Méditerranée en Méditerranée de Sète
, ainsi que de rencontres poétiques dans différentes
villes d’Italie, impliquée dans plusieurs revues dont le Carnet des Lierles, ainsi que dans l’aide au
développement à travers des missions humanitaires et culturelles au Burkina Faso, auteure d’une
vingtaine de recueils de poésie.

Gérard Le Goff, Aires de vent, Encres vives, collection Encres Blanches, 2025, 32 p., 6,60 euros

Gérard Le Goff, Aires de vent, Encres vives, collection Encres Blanches, 2025, 32 p., 6,60 euros


Après L’inventaire des étoiles (2024), Gérard Le Goff fait paraître la plaquette poétique Aires de vent. Le titre nous renvoie à l’idée de voyage. En effet, l’avant-propos de l’auteur nous confirme cette supposition. Le poète explique lui-même le titre : les aires de vent représentent les 32 subdivisions de la rose des vents avec ses quatre points cardinaux. « Chaque aire de vent ou rhumb est une subdivision constitutive du tour d’horizon qui indique la direction d’un vent en référence aux pôles, au levant et au ponant. Un vrai navigateur sait toutes les routes de tous les vents ».

La composition du recueil suit cette forme de la rose des vents avec ses aires de vent. Les 64 poèmes sont structurés en quatre parties : Est, Sud, Ouest, Nord.  Chacune comprend 16 poèmes, un métissage de poésie et de prose poétique, dans sa totalité deux tours d’horizon, affirme le poète. Il se projette en piètre navigateur ayant perdu le Nord, « un voyage sans boussole », une errance son retour, telle la vie entre ses deux pôles biologiques. On pourrait dire un tour d’horizon du poète sur les saisons de son existence, avec nostalgie, regret, amertume, sur la vie troublée par tous les vents.

Les poèmes de l’Est sont traversés par la nostalgie de la beauté éphémère du printemps, « la saison claire », avec « son effusion de sève », la floraison, les jours radieux de la jeunesse. Dans les pages de prose poétique, le poète crayonne des tableaux émouvants de vie de campagne et des paysages de rêve, tel un peintre inspiré en dialogue incessant avec lui, la nature, les gens. Le lecteur se laisse emporter par la beauté des tableaux où respirent les bribes de tendres souvenirs, la rêverie et les traces des mythes anciens.

Sud évoque l’été. Si le printemps est le temps de la joie, de la frénésie, de l’amour, l’été est le soleil ardent, le silence, la brûlure de la vie, le temps des aveux. Des souvenirs s’égrènent de la mémoire affective comme des ombres d’une vie qui n’est plus : un village, une ville, une femme. On se souvient des faits, on s’interroge, on réfléchit à ce qui est advenu. Un « souvenir revient avec la violence d’une lame lancée par une main invisible » : l’absence de l’être aimé, emporté trop tôt dans un autre monde. Gravé dans la mémoire, son image s’effrite, l’oubli efface lentement le vif: les yeux, la voix, les cheveux. Les mots sont impuissants, ne peuvent l’arracher aux ténèbres, seulement esquisser les traces de son vécu. La mélancolie s’empare de l’âme du poète face au sentiment de la fuite du temps qui engloutit nos vies. 

Ouest correspond à l’automne rouillé, dégarni, au temps des vents, des pluies, des pertes, des ombres du passé, des frissons. L’insomnie s’installe, les idées noires tournent dans le cerveau, l’inquiétude perce l’âme, les spectres des disparus reviennent à la Toussaint. Le chagrin, la peur, le pressentiment de la mort sont accablants. Une image émouvante revient : la silhouette de la femme aimée se détache un instant dans le noir, aux traits estompés pour s’évanouir aussitôt comme les volutes de fumée. Ce n’est qu’un spectre qui renforce le sentiment de solitude et obscurcit le monde du poète.

La dernière partie, Nord, évoque avec amertume l’hiver de l’homme et de la nature, le nadir de la vie, « le temps du vent noir », la fin où tout gèle. Le poète se retire dans la solitude de sa chambre, entouré de livres et d’objets familiers, s’abandonne au rêve et aux souvenirs délivrés par sa mémoire affective. C’est un temps de souffrance, mais sans désespérance, car un sentiment d’espoir l’anime, de voir triompher la vie.

La profonde sensibilté du poète, son goût de la contemplation du paysage se concertent avec la réflexion lucide d’un intellectuel qui nourrit sans cesse son inspiration de son vécu et du trésor culturel universel. Parfois les résonnances de ses lectures poétiques transparaissent dans ses poèmes par son désir de rappeler un poète, Paul Verlaine, pour la musique de ses vers et la volonté d’imprimer la même harmonie musicale à son texte en prose : « Laisse le vent mauvais emporter avec lui les jours anciens que nul ne pleure. Et demeure. ».

L’ironie et un certain humour se mêlent à la mélancolie du poète surtout quand il évoque les fêtes de l’automne et de l’hiver, opposant la perception des enfants à celle des adultes.  

Gérard Le Goff partage ses réflexions sur le chemin de la vie à travers les quatre saisons de l’année, autant d’étapes de notre parcours existentiel, dans un sensible alliage de lyrique et d’épique qui rend compte de sa double vocation de poète et de prosateur. 

Continuer Encres Vives sur les pas de Michel Cosem –  Appel à abonnement


Michel Cosem s’en est allé, et c’est pour beaucoup d’entre nous, qui avons été lancés et accompagnés par Encres Vives, une perte douloureuse. Encres Vives, avec sa revue, fondée en 1960, et ses deux collections, Lieu (poèmes liant un poète à l’un de ses lieux favoris) et Encres Blanches (plus spécialement réservée aux nouveaux poètes et aux rééditions de recueils publiés par la revue), venues plus récemment en étoffer la production de recueils de poésie, c’est près de 2000 recueils et 400 auteurs publiés, dont beaucoup ont acquis au fil du temps une vraie reconnaissance dans le milieu poétique. Nous sommes nombreux à devoir beaucoup à Encres Vives, nombreux aussi à avoir éprouvé le besoin de revenir fréquemment aux sources en confiant nos écrits à Michel Cosem, qui disait de la revue : 

« Tout en demeurant dans un format modeste Encres Vives continue d’attirer, de retenir, d’influencer des générations nouvelles, en faisant preuve à la fois d’exigence et d’ouverture. C’est là je pense une volonté affirmée qui regarde plus certainement vers l’avenir que vers le passé.

J’ai essayé de conserver l’enthousiasme du début, d’être attentif aux nouveaux, de les aider à se construire en bonne compagnie et il n’y a là rien que de très naturel. De là peut naître un rapport à la poésie avec qui il faudra compter. Cet afflux de nouveaux auteurs –et je ne saurais tous les citer – oblige à encore plus de rigueur mais aussi d’attention et de gestion. Mais aussi de demeurer en dehors des clans, des modes et des obligations que peuvent susciter les médias ou autres nouveautés. Avec comme volonté constante de demeurer à l’écoute de ce qui se passe ». 

Sans connaître bien souvent directement Michel, nous nous étions habitués à ses missives bienveillantes en retour des envois de propositions de recueils que nous lui adressions. Des mots toujours posés et encourageants, une fidélité sans faille dans le soutien aux nouveaux auteurs, passant dans certains cas, après quelques années, par un numéro spécial. Michel était la discrétion et la bienveillance même, ouvert à toutes les formes de poésie pourvu qu’elles soient authentiques, expressions sincères d’un engagement fort dans l’époque qui les porte. Il écrit ainsi dans le numéro 62-63 d’Encres Vives, daté de l’hiver 1967-1968, consacré à la civilisation occitane : « … l’écrivain, et plus spécialement le poète est situé dans sa civilisation, non d’une manière logique, mais par le fait même d’écrire : il engage tout de lui-même et en même temps tout de sa civilisation. L’époque des écrivains qui puisaient ici et là leur inspiration semble révolue, de même que celle de l’écrivain qui décidait de se consacrer à son clocher en exaltant un passé mort. L’écrivain – s’il n’est pas un faiseur – est tout entier l’homme de son époque. Et s’il ne l’est pas, il doit tendre à le devenir ». Homme d’une civilisation et d’un territoire, Michel Cosem l’était au premier chef, dans cette Occitanie tant aimée, berceau de sa famille paternelle, qu’il arpentait de ses pas et ses mots. 

La collection Lieu d’Encres Vives, que Michel définissait ainsi : « cette collection propose des poèmes liant un poète à l’un de ses lieux favoris : voyage, rêverie, méditation, quotidien, biographie, reportage », constitue précisément une ligne par laquelle de nombreux poètes, ancrés dans un terroir, ou voyageurs en quête au contraire de déracinement, ont pu exprimer leur relation, réelle ou rêvée, au monde qui les entoure. Qui, mieux que Michel Cosem, a su faire partager par sa poésie l’âme d’un lieu ? Avec près de 400 numéros, dans lesquels se sont exprimés plus de 160 auteurs, la collection Lieu d’Encres Vives, constitue un terreau d’humanité unique, tant par la diversité des lieux explorés, que par la façon de les appréhender.  Cette collection fut pour beaucoup d’entre nous, voyageurs-poètes, une bénédiction, permettant une formalisation rapide du carnet de poèmes, voyage dans le voyage, qui donne tant de relief aux lieux visités et aux personnes rencontrées. 

Dans son souci d’aider les poètes à publier, Michel créa également la collection Encres Blanches, « plus spécialement réservée aux nouveaux poètes », qui en 20 ans d’existence a révélé, ou aidé à mieux faire connaître, à travers la publication de près de 800 recueils, plus de 300 auteurs. Une entreprise considérable, regroupant une part significative de la communauté des poètes français, certains ayant ensuite fait leur chemin et acquis une vraie reconnaissance. Au total, en incluant la revue et les deux collections, c’est près de 400 poètes qu’Encres Vives a publiés, et pour une grande partie d’entre eux révélés au public. 

Nous avons, avec plusieurs membres du comité de rédaction, décidé, fidèles à l’esprit impulsé par Michel Cosem, de nous tourner vers l’avenir, ainsi qu’il le préconisait, et continuer Encres Vives, dont l’immense héritage, tant humain que littéraire, ne peut rester lettre morte. Faire vivre et fructifier la revue et les collections, dans l’esprit tracé par leur fondateur, au service d’une communauté de poètes toujours plus vivante et diverse, voilà l’objectif que nous nous sommes tracé pour les années qui viennent. La spécificité  d’Encres Vives, rappelons-le, est la publication, dans chaque numéro, d’un recueil d’un seul auteur, 16 pages au format A4, qui vont devenir 32 pages au format A5 à partir de janvier 2024. La revue restera mensuelle, avec 12 numéros par an et la possibilité, pour un surcoût modeste, de recevoir dans l’année 2 volumes de chacune des collections Lieu et Encres Blanches. L’abonnement donnera droit à un tarif préférentiel pour l’achat de n’importe quel volume de ces deux collections. 

Nous vous invitons, chers lecteurs de Traversées, à nous rejoindre dans notre démarche (bulletin d’abonnement joint), et vous remercions de transmettre l’information aux personnes de votre connaissance qui pourraient être intéressées.

Bulletin  d’abonnement à Encres Vives à télécharger sur ce lien


Adieu Michel Cosem

Né en 1939, Michel Cosem vient de nous quitter. Originaire du sud de la France, il a fait ses études supérieures à Toulouse puis travaille un temps pour l’Education nationale avant de rejoindre le milieu de l’édition à Paris. Il a écrit et publié de très nombreux ouvrages : romans, poèmes, contes et récits pour la jeunesse, anthologies, etc. En plus de l’écriture il consacre une bonne partie de son existence aux voyages, allant à la rencontre de ses lecteurs un peu partout en France et à l’étranger. Ses livres traitent de sa chère Occitanie mais aussi des pays visités, des légendaires et de l’histoire. Son propos fraie souvent avec l’imaginaire voire le fantastique. Il est titulaire d’une considérable bibliographie chez Seghers, Robert Laffont, Gallimard, Le Rocher, etc. Parmi les nombreuses distinctions reçues au cours de sa longue carrière, citons le prix Antonin Artaud en 1986.

Il est également très connu en France pour être le fondateur et l’’animateur de la revue Encres Vives, un périodique consacré à la poésie. Sans doute l’une des plus anciennes et respectables revue de poésie dans ce pays puisqu’elle a été créée en 1960 et que la dernière livraison, le N°520, date de février 2022. Belle longévité !

Jacques Lovichi, compagnon de route indéfectible, a raconté la belle aventure d’Encres Vives. « J’avais repéré, sur le panneau d’affichage du hall de la fac où j’achevais mes études, l’annonce d’un organisme et de sa revue éponyme, pompeusement appelés : Synthèse littéraire, artistique et sociale, dirigés par un certain Michel Cosem, pour le compte des étudiants de la fac des Lettres de Toulouse. »

Plus tard, Jacques Lovichi rencontre Jean-Max Tixier à Aix-en-Provence avec qui il se lie d’amitié. Impliqué dans le monde de la littérature Lovichi se souvient de Cosem, en parle avec Tixier, puis tous deux le contactent pour apprendre que « le mouvement et la revue ne s’appelaient plus, bienheureusement, Synthèse littéraire etc… mais, plus modestement et plus poétiquement Encres Vives ».

Michel Cosem raconte : « Nous tenions nos assises dans un petit village de la Haute Ariège nommé Oust. On me dit que deux Marseillais venaient d’arriver. Je me penchais à la fenêtre et vis Jean-Max Tixier et Jacques Lovichi un peu inquiets, au terme d’un long voyage en voiture. Je fus aussitôt dans la rue pour ces instants souvent si brefs et qui font pendant longtemps chaud au cœur. Jean-Max dit dans son livre : Chants de l’évidence – entretiens avec Alain Freixe son inquiétude devant les discussions théoriques, les a priori politiques, l’usage des nouvelles théories qui donnent encore à cette époque —  post 68 —  sa grande et véritable identité. Loin d’être menacé en quoi que ce soit, Jean-Max a très vite gagné la sympathie de tous grâce à la pertinence de ses prises de parole, des problèmes posés et de ses analyses. Ce fut là le début d’une longue collaboration, dans le cadre de la poésie d’Encres Vives certes, mais aussi de l’écriture et de l’édition. Nos expériences et nos visions du monde se sont complémentarisées et cela a bénéficié à Encres Vives qui, sorti des zones de turbulence, a pu se hisser à la hauteur de ses projets et les réaliser en profondeur. » (Spécial Jean-Max-Tixier, Encres Vives N°378, janvier 2010).

Jacques Lovichi, de son côté, évoque une époque épique : « Me reviennent à l’esprit les inénarrables séances du groupe Encres Vives dont, sous la houlette de cet autre vieux brigand, Michel Cosem, les activités fécondes et les théories —  parfois hasardeuses mais nécessaires —  nous marquèrent définitivement, Jean-Max et moi, dans les années de grâce 1970. Elles nous apprirent la rigueur (une rigueur que certains, aujourd’hui feraient bien d’exercer) sans pour autant négliger l’humain, et, pour cela au moins, ne seront jamais assez louées. […] Nos gloires de l’époque étaient Kristeva, Barthes, Lacan, Saussure, Jakobson, Derrida, Denis Roche et, moins paradoxalement qu’il n’y paraît, notre grand ancien Mallarmé pour son magistral coup de dés impropre à abolir le hasard. »

La revue a accueilli des poètes connus comme Yves Bonnefoy, Andrée Chedid, Édouard Glissant, Philippe Jaccottet, Jean-Pierre Siméon, Claude Vigée, etc. Mais aussi d’autres un peu moins connus —  mais connus tout de même (dont la liste serait trop longue à établir ici) —  ainsi que des pas connus du tout (comme moi). La revue fonctionnait à la manière d’un laboratoire d’écriture et accueillait les auteurs émergents. Pour chaque numéro le comité de lecture d’Encres Vives proposait une sélection éclectique de poèmes, de nouvelles, d’essais et de critiques littéraires dans une grande diversité de voix et de styles. Nous sommes très nombreux à avoir été édités chez Michel Cosem. Et contents de l’être. 

Laissons la conclusion à Claude Faber, un autre compagnon de route : «Être édité par Michel Cosem, c’était un honneur… et une joie comparable à celle d’être accueilli dans une belle maison, avec élégance, savoir-vivre et douceur ». En ce qui me concerne, l’honneur et la joie ont été éprouvés par douze fois entre septembre 2018 et janvier 2022. Avec chaque contrat de publication, Michel Cosem ne manquait pas de me glisser un mot d’encouragement, toujours simple et aimable. J’ai conservé ses « bouts de papier » (voir plus bas) comme on conserve un trésor. Je lui dois beaucoup. Il m’a permis de trouver un peu de confiance en moi-même qui doute toujours.

Pour clore ce billet, j’ajoute ci-après deux extraits d’un livre de Michel Cosem : Aile, la messagère (éditions Unicité © 2018).

Le premier, issu de l’avant-propos, a valeur d’art poétique :

Voici des poèmes écrits sur des bouts de papier ou plus souvent sur des carnets lors de mes déplacements. J’aime particulièrement l’instant où je mets en mots un lieu, un paysage, une sensation née dans l’immédiateté de la rencontre. […]  Mais c’est toujours au-delà de la rencontre, une nécessité de dialogue avec la réalité que j’aime, une volonté de cheviller, par l’écriture, les élans de l’éphémère. D’être à l’écoute d’une sorte d’éternité et de s’assurer qu’elle existe justement grâce aux mots, à l’écriture… Le lieu dans la poésie d’aujourd’hui est une notion fondatrice. Yves Bonnefoy l’avait bien souligné et beaucoup après lui. On peut dire que le lieu est devenu la poésie elle-même où se mêlent la réalité et l’imaginaire, l’humanité et la culture.

Le second évoque la Bretagne. Il s’y rendait (notamment au festival Etonnants voyageurs à Saint-Malo) et je suis — certes—  un peu chauvin mais j’estime que ce texte est beau et représentatif de l’art du poète qui savait mêler impressions de voyages et imaginaire :

On dit que les mouettes dans leur langage de brume énumèrent les merveilles de l’océan, les épaves, les marins morts, les îles fantômes. On dit que les fées comprennent ce langage et amassent ainsi les trésors sous-marins, cachés dans des palais aux murs de nacre. On dit que les mouettes annoncent aussi le vent et la tempête, les combats acharnés entre les vagues et les rochers, transformant en écume blanche le sang des tourmentes. On dit que les mouettes ont des galets à la place du cœur.

Gérard Le Goff © juillet 2023


Références :wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wikiMichel_Cosem

site de la revue : https://encresvives.wixsite.com/michelcosem

Indalo de Christian Saint-Paul – Encres Vives n°441, avril 2015. Format A4, 16 pages, 6,10 €.

Source image: ici

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Indalo de Christian Saint-Paul – Encres Vives n°441, avril 2015. Format A4, 16 pages, 6,10 €.

C’est à une très belle flânerie andalouse que nous convie Christian Saint-Paul dans ce 441ème Encres Vives, placé sous le signe de l’indalo, la figure préhistorique qui est devenu le symbole de la ville et de la province d’Almeria, et qu’on pouvait déjà voir peint sur les maisons en guise de protection contre les orages et le mauvais œil. Christian Saint-Paul a le don de nous faire vivre les paysages, les lieux et leur histoire au travers de son regard de poète doublé d’un talent de conteur, et il ne fait pas que raconter ce qu’il a vu, il nous le fait voir, littéralement, c’est-à-dire ressentir aussi.

« La nuit encore/le soleil étouffant/mutile la fermentation du sommeil/Nous vivons désormais/lovés dans ce désert/où la terre n’est que/poussière montant au ciel/ »

Christian Saint-Paul a le regard d’un poète convaincu, tel Machado, de l’absolu nécessité d’être homme, en toute humilité, un homme à qui rien n’échappe, ni la beauté des lieux ni « des îlots d’immeubles/parsemés le long d’avenues/vides – sans utilité-/témoignent de la chute folle de la finance. »

Le poète ne fuit pas le malaise, il l’affronte, le dénonce et ainsi « Nous apprenons à apprivoiser le vide/créé par l’appétence de l’homme. »

Pas d’Andalousie sans l’ombre de Llorca, pas d’Espagne sans le souffle fiévreux d’un Don Quichotte, les eaux fortes de Goya et les « yeux noirs de feu névrotique » d’un Cordobès. Christian Saint-Paul nous emporte à la rencontre de l’âme andalouse, du duende tapi dans ses tréfonds. Une âme trempée « dans le souffre du soleil ». Ombre et lumière, voilà l’Andalousie et « la Bible infinie des étoiles ».

Des pierres, des fantômes et des Vierges tristes, des enfants vifs sous des peaux brunes, de la ferveur et des brasiers lumineux. Des plaies de guerre, le sang des fusillés et des religions qui se côtoient dans de grands jardins, où coulent des fontaines, des forteresses et « les indénombrables châteaux en Espagne ! », des prières et « des rancœurs d’un autre âge qui agitent les cargos aux amarres. »

Indalo est un beau périple, oui, qui ne peut laisser indifférent, car pourrait-il y avoir meilleur guide qu’un poète amoureux de la terre qu’il foule, et dont il sait voir, tous temps confondus, l’endroit et l’envers, le visible et l’invisible, le bonheur comme les larmes ?

©Cathy Garcia

 

source image:http://delitdepoesie.hautetfort.com/archive/2015/06/02/indalo-de-christian-saint-paul-encres-vives-n-441-5632652.html

source image: ici

Christian Saint-Paul, est un poète véritablement passionné de poésie, de la poésie qui met l’humain et la relation à l’autre au premier plan. Il anime depuis plus de 25 ans l’émission, « Les Poètes » (le jeudi de 20h30 à 21h) sur Radio Occitanie (98.3 Mhz) avec son compère Claude Bretin et de nombreuses émissions ont été consacrées à la poésie du monde. On peut les réécouter ici : http://www.lespoetes.fr/emmission/emmission.html

Il avait créé sa revue, « Florilège », avec un autre poète, Michel Eckhard, dans le courant des années soixante. Brel avait accepté de les parrainer. Nous sommes encore avant 68, Christian Saint-Paul entre alors à Sciences Po, mais s’engage aussi activement dans la lutte antifranquiste. Il créera une autre revue, « Poésie toute » et plus tard encore en 1983, « Le Carnet des Libellules » où il publiera de nombreux auteurs.

Christian Saint-Paul a publié :

Les peupliers (Jeune Force Poétique Française éd., 1966)
Les murènes monotones (Jeune Force Poétique Française éd., 1967)
L’homme de parole (Caractères éd., 1983), préface de Michel Eckhard
Prélude à la dernière misogynie (De Midi éd., 1984), avant-propos de Jean Rousselot, couverture illustrée par Gil Chevalier et illustrations intérieures de Jean-Pierre Lamon et de Lucie Muller.
Les murènes noyées (Carnets des Libellules éd., 1985)
Les murènes monotones (De Midi/Poésie Toute éd., 1987)
Transgression (Carnets des Libellules éd., 1987), préface de Claude Vigée
A contre-nuit (La Nouvelle Proue éd., 1988), préface de Jean-Pierre Crespel
Tendre marcotte (Carnets des Libellules éd., 1988), avant-propos de Michel Eckhart
Les ciels de pavots (Encres Vives éd., 1991)
Pour ainsi dire (Encres Vives éd., 1992), préface de Jean Rousselot
Akelarre, La lande du bouc (Encres Vives éd., collection Lieu N°108, 2000)
L’essaimeuse (Encres Vives éd., 2001)
Ton visage apparaît sous la pluie (Encres Vives éd., collection Encres Blanches N°61, 2001), couverture illustrée par Patrick Guallino, postface de Alem Surrre-Garcia
L’unique saison (Poésies Toutes éd., 2002), préface de Gaston Puel, postface de Monique-Lise Cohen
Des bris de jours (Encres Vives éd., 2003), couverture illustrée par Christian Verdun, postface de Michel Cosem
L’enrôleuse (Encres Vives éd., 2006), postface de Georges Cathalo
Tolosa melhorament (Encres Vives éd., collection Lieu N°184, 2006), édition bilingue occitan/français, postface de l’auteur.
Entre ta voix et ma voix, la malachite noire de la voix d’une morte (Multiples, 2009)
Les plus heureuses des pierres (Encres Vives éd. N°361, 2009)
Vous occuperez l’été (Cardère éditions)
Hodié mihi, cras tibi (Encres Vives éd., Collection Lieu n°217, 2010)