Le récent ouvrage – Obscur éclat– de la poétesse et musicienne Carolyne Cannella nous révèle une personnalité fragile et attachante, « graine jetée au vent », qui cherche sa place dans un monde particulièrement difficile à déchiffrer mais dont elle se sent irrémédiablement proche, décidée à en découvrir toutes les beautés pour le rendre acceptable mais aussi et surtout, pour trouver l’accès aux mystères dont il s’est habillement revêtu.
Cette entreprise poétique, Carolyne Cannella la construit avec des mots simples qui sont, eux aussi, habillés de mystère. Il s’agit de discerner les choses les plus universelles à travers le prisme de la vie ordinaire, parfois la plus intime, et ainsi d’accéder aux valeurs authentiques de l’existence.
L’âme scintille, sourire dans les ténèbres
Parmi ces valeurs, la plus volatile, mais la plus essentielle à un heureux équilibre, c’est la liberté qui autorise l’errance de la pensée, le droit à la rêverie, à butiner les plus belles fleurs. C’est cette liberté que l’on retrouve ici dans les mots et leur délicieux vagabondage ainsi que dans le jaillissement des images dont le vol incontrôlable et caressant sème une poésie envoûtante tout au long de ce recueil.
La poésie de Carolyne Cannella est bien une alchimie secrète entre les mots et le mystère du monde.
Carolyne Cannella, Arabesques purpurines, éditions du Cygne, Collection Le chant du cygne, 2023
Les poèmes de Arabesques purpurines m’évoquent des bulles irisées, porteuses d’un sibyllin message vers les mondes invisibles.
Carolyne Cannella nous emmène dans un prodigieux et mystique voyage hors de l’espace-temps, depuis la particule, miroir de tout l’univers, à la plus lointaine galaxie, du créé vers l’incréé.
« Car en toutes choses non encore apparues / Tu déposes la frissonnante beauté du monde ».
Elle projette l’éveil de son être intérieur sur la nature jusqu’au moindre flocon de neige. Métaphores et oxymores fleurissent sur les chemins de sa méditation.
« J’escaladerai l’aube / vers les chutes ardentes »
De temps à autre, son vécu dans le monde matériel transparait, bien celé, sous le voile de la pudeur et par le subterfuge de l’hypallage
« Aube lacérée / les éraflures de ta passion / rosée diamantine/ sur la peau des souvenirs enfuis »
Ces poèmes sont gorgés de lumière
« nuit aux éclats de citrine et de cornaline / déchirant l’horizon lapis-lazuli » ;
Ce recueil dans son ensemble m’évoque cette citation de Khalil Gibran : « Quand nous aurons atteint le cœur de la vie, nous verrons la beauté en toute chose ». Civilisations occidentale et orientale se mêlent en un bouquet chatoyant. Il se termine par un chiasme aux accents nostalgiques qui interpelle le lecteur, car la présence de l’auteure est bien toujours là, inscrite dans le miroir.
Un livre de chevet à déguster soir après soir pour illuminer nos ténèbres !
Carolyne Cannella, Arabesques purpurines, Collection Le Chant du Cygne, éditions du Cygne, 2023, Nombre de pages 88, format 13×20.
D’emblée, ce nouvel ouvrage de la poète et musicienne Carolyne Cannella – Arabesques purpurines– nous transporte dans une note de beauté porteuse des couleurs du temps, symbole d’éternité aux nuances pourpres de la vie. Semblable à son inspiratrice, l’écriture est libre, indépendante, porteuse d’images en transparence et hors du temps. Tout est de subtile sensibilité, tendue comme la corde d’une guitare, c’est aussi un jaillissement de délicieuses métaphores.
Au travers de son jeu littéraire, notre poétesse tente de rejoindre l’homme égaré et mélancolique perdu sur la plage déserte et qui n’attend qu’un souffle. L’ambiance dévoile un univers insolite désireux de réembellir le monde des hommes, par une poésie délicate, énigmatique nous transportant dans un espace aux nuances transparentes. Carolyne Cannella est à la recherche de l’intime beauté et de la fluide lumière. Nous avançons pas à pas dans un environnement spirituel, sorte d’errance mystique informelle porteuse de ce fort besoin de retrouver de vraies valeurs, une voie nouvelle, de donner sens à l’existence. Nous nous retrouvons au cœur d’un monde d’entre deux, sorte d’univers flottant semblable à celui que nous côtoyons dans les paysages d’Extrême Orient.
Voici bien une poésie aux images foisonnantes, patchwork symbolique, mystérieux et irréel. Cette œuvre est aussi un cri silencieux, une blessure cachée, que seul peut cautériser le voyage intérieur qui conduira jusqu’au seuil de la porte de la renaissance. Carolyne Cannella, fait de sa poésie une mélodie, un songe qui tend vers une nouvelle reconstruction, un nouvel accostage, car nous ne pouvons pas danser seul éternellement. Alors la poésie reprend ses droits.
Au gré de mes lectures, je me surprends à cueillir quelques fleurs rimbaldiennes, brocardées de notes romantiques. Les images ici se font réminiscence, un voile de souvenirs plane au-dessus des textes, fruits mémoriels de clichés ne pouvant pas ou ne voulant pas s’effacer. Par l’esprit synthétique des poèmes, nous sommes proche de l’esprit aux effets haïku . Notre amie parfois a besoin de recul, de retour sur elle-même, accepter le silence intérieur pour mieux se retrouver face à soi-même dans l’aura de l’amour. C’est aussi une possibilité de pénétrer dans l’univers, de percevoir la vie dans le miroir.
L’auteure se risque à quelques approches extrême-orientales, soulignant la pureté, l’essentiel, l’intemporalité et le vide du Tao : « Au début était le vide habité d’une infinitude de possibles dont nous faisions partie. » Le verbe nous conduit à l’essentiel, se dépouille afin de mieux trouver les sources de la beauté, la ligne mélodique à l’instar d’une partition se veut pure. Phénomène atavique sans doute, notre poète étant professeure de musique.
Il arrive d’être dérouté du sens, il y a rupture volontaire avec la signification même du poème, qu’il faut recomposer comme un puzzle. Carolyne Cannella ne dit-elle pas :
« L’essentiel n’est pas dans les mots, mais dans cet espace par eux créé . »
Ainsi l’auteure parvient à extraire en quatre vers une forte densité significative, sorte de contre-point :
« J’ai croisé la beauté dans le regard du gueux / intense et clair / dont la lumière m’enseigne et me renvoie / à ma propre lumière. »
Nous frôlons le voyage astral, juste là où l’éternité prend naissance, alors nous pénétrons dans le domaine de tous les possibles. Poésie nomade qui nous pénètre en profondeur par ses jeux verbaux et ses métaphores. Le langage se désarticule, joue avec les inversions, se fait magique, il envoute, illumine, s’éparpille dans le vent, afin de mieux communier avec l’univers où réside l’âme aimée.
Une ligne musicale impose son rythme, sa cadence :
Carolyne Cannella livre son combat jusqu’à l’effacement des ombres ténébreuses dans la perspective d’un avènement de lumière. Puis elle s’arrête pour contempler et procéder à une lente renaissance pour ne plus faire qu’un dans le grand tout : « Être… une présence-absence » Au-delà de la mort, par la musique et la poésie Carolyne Cannella tente de franchir l’autre rive où se dessine le profil de lumière de l’homme solaire : « Un soir, Il apparut… ! »
Sur cinq vers asymétriques et toujours renouvelés , Carolyne Cannella décline les parcelles d’un infiniment grand, d’un infiniment poétique, tout à la fois intime et cosmique, humble et puissant : celui de l’Amour.
De manière générale, l’absence quasi-totale de ponctuation (ni chair ni os), les libertés orthographiques voulues par l’auteur (dans la coulée de la scève) ainsi que des audaces (tout se fait de se dé-faire) donnent au texte un supplément de modernité et de mystère.
De même, la typographie changeante de ces quintils, tels des vagues de mots et d’incantations :
Sortir du chemin
la rupture est provisoire
à l’inéluctable
dire oui
et s’accomplir
D’emblée, l’on ressent à quel point la poétesse cultive les espaces, les silences, telle une musicienne à son archet, telle une orpailleuse au fil de l’onde. D’emblée, le rythme dicte sa présence, la respiration gagne toute sa place.
Certes, on y trouve les mots de sa passion première, la musique (luth, Bach, chant, accordé, résonance), mais également un tropisme pour le mouvement (se glisse, se balancent, nous franchissons, s’approchent, ondule) comme si la danse était un trait d’union entre l’univers sonore et une vie gestante de frémissements. Cela dit, il nous semble que Cannella est ici avant tout poète, marieuse de mots, artiste-peintre friande d’images et vouivre du sens :
Nous réceptacles du vivant
nous qui transmutons
l’aube en crépuscule
et nos silences féconds
en paroles de lumière
Souvent sensuelle (Sur les vagues qui scintillent / aller nue et danser / neuve à chaque instant…) elle s’adresse parfois à l’être aimé en majuscule (Toi, Ta présence) mais toujours avec délicatesse:
De caresses en murmures enchantés
tu m’effeuilles, tu m’enflammes
sous l’irrésistible maelström
de tes hauts plateaux
aux délires impeccables
Minuscule approche pour un recueil élégamment imprimé sur papier blanc nacré : comme si la place du rêve, la forme graphique des mots, leurs sons chuchotés par le lecteur avaient valeur de prière, c’est à dire de langage avec un Plus Haut.