Une chronique de Lieven Callant
Laurent Grison, L’archipel des incandescences, hommage à Xavier Grall, suivi de La femme debout, Collection Arcane, Sémaphore Éditions, 89 pages, avril 2025, 15€
Le travail littéraire ou artistique de Laurent Grison consiste à interroger les frontières entre ces diverses formes d’expression. Il se situe à la charnière où écrire, peindre, dessiner joignent leurs racines, confondent leurs propriétés pour interroger le lecteur ou le spectateur.
Avec « L’archipel des incandescences », il ne procède pas autrement. L’hommage au poète Xavier Grall, irradie sur l’ensemble des poètes qu’aimait l’écrivain Breton: Rimbaud en particulier.
« Hère hirsute errant
poète dévoré par l’inconnu
tu es un sourcier des mots
qui écrit à même la roche » P11
Voilà qui me fait découvrir l’essence de l’écriture poétique de Grall. Comme révélée, telle un ruisseau, accessible à tous par sa limpidité sauvage.
« tes mots rebelles
défient sans crainte
l’orage des signes
et le renversement des temps. »
La poésie de Grall est infiniment lié à la Bretagne, « archipel des incandescences ». Non pas une image fixée une fois pour toute mais au contraire inscrite dans et par les éléments naturels et ce qu’ils disent des humains qui habitent et aiment ces terres.
« toi tu penses que la question
du salut de l’âme
est trop essentielle
pour ne pas être posée » P25
Laurent Grison aborde d’une manière élégante l’aspect mystique qui semble embrasser l’écriture du poète Xavier Grall.
« affleurement de granit
sur les sols érodés
effleurement de sagesse
sur les phrases simple » P30
Pour accompagner ses textes, les amplifier, les oeuvres peintes, gravées ou dessinées de Laurent Grison suivent une autre voie où les mots ne sont encore que des signes, où les traits rêvent de s’écrire. Le visage qui ouvre le livre et ferme la première partie du livre est peut-être celui du poète, celui d’un Christ, celui d’un homme que la vie ravine tant elle est parcourue et questionnée. L’errance laisse quelques blessures certes mais celles-ci ont le pouvoir de nous éclairer sur notre humanité et ce qu’elle est en train de devenir si l’on ne s’intéresse plus à la fragilité, la fugacité.
La deuxième partie de ce livre est également une sorte d’hommage. Elle est dédicacée à Michèle Lescoat.
Si le titre fait référence aux sculptures et dessins préparatoires de Giacometti dans mon esprit, je prends conscience que le poète parle d’une rencontre personnelle, la gardienne d’un lieu, La Maison d’Hippolyte dans le Finistère.
« la femme debout garde
comme un trésor
dans une disposition
qu’elle seule maîtrise
ce qui est beau et se voit
comme ce qui peut être laid et
ne se voit pasle bien entendu et le malentendu
le fait et le défaitle dit et le non-dit
l’insolite aussi » P55
Grâce à ces quelques vers, Laurent Grison invoque les Pythies et autres gardiennes de temples, femmes d’oracles, femmes de grandes décisions, femmes de l’ombre, magiciennes qui personnifient les éléments naturels, vents, marées, rivières dont elles apprivoisent le cours ou au contraire libèrent la force. La femme debout est tout cela. L’écriture poétique voyage en ces eaux et fait oeuvre de résistance.
« la femme debout dort peu
chaque nuit elle voudrait percer
dans la solitude de l’ombre
les mystères de la physique quantique
la femme debout lit et relit
puis oublie
et recommence le lendemain
en refusant d’abandonner » P61
La force d’une oeuvre poétique trouve parfois ses racines en des lieux, ici le Finistère. En ces lieux se rencontrent presque toujours des humains en mesure de partager avec force leur amour, leurs fascinations. Ce livre est un hommage à ces hommes et ces femmes « debout ».






