Une chronique de Michel Herland
Nour Cadour, Le Bleu de la mer s’est enfui, Les Carnets du Dessert de lune, Val-de-Reuil, 2023, 78 p., 15 €.
Nour Cadour est médecin, peintre et écrivaine d’origine syrienne installée dans le sud de la France. Le Bleu de la mer, son recueil le plus récent, issu d’une résidence d’écriture, est un ouvrage composite, une fable à laquelle on pourra se laisser prendre, où il est question de la Syrie d’Assad, de la torture et d’un voyage-pélerinage au pays des aïeux. Tant de rappels de la réalité qui rendent bien difficile de démêler le vrai du faux. Alors, autant se laisser emporter par cette belle et tragique histoire d’amour entre une intellectuelle, poète à ses heures et un beau cordonnier nommé Sultan-Soleil qui gravait les poèmes de l’aimée sur les semelles des souliers.
Notre résistance à nous
c’étaient
la poésie
et l’artisanat,
les mots
et la beauté.
Il suffisait de lever le pied
pour voir s’y refléter le ciel
La poétesse, présentée comme la mère de Nour Cadour, sera torturée, violée
Alors je les ai sentis, nue,
un à un,
en moi,
mon visage tourné vers mon citronnier.
Elle s’adresse à sa fille, censée rapporter ses propos,
Et te voilà ainsi
Fille-quai sans origine
de Femme-gare sans destination
à écouter mon histoire.
Demeure le souvenir de cet amour avec le cordonnier, enlevé puis disparu en prison,
J’ai cousu un rêve
avec sa peau
le pli de la nuit
entre ses cuisses
j’ai laissé couler
entre ses jambes
la tectonique des haines
les bourrasques des jugements.
L’évocation poétique de la mère et de son destin ne constitue qu’une première partie du Bleu de la mer s’est enfui. Elle est suivie par des pages de prose entremêlant le récit du voyage de l’auteur en Syrie et des lettres du cordonnier Riyad à sa bien-aimée, écrites en prison. Une deuxième partie qui complète et éclaire la première, comme ferait une postface.


