L’Orange bleue, Abdellatif Laâbi, illustrations de Philippe Amrouche

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  • L’Orange bleue, Abdellatif Laâbi, illustrations de Philippe Amrouche

Le clin d’œil poétique de son titre et l’illustration de la première de couverture attirent l’attention du lecteur adulte plus encore que du très jeune lecteur. En lisant L’Orange bleue, je ne peux m’empêcher de repenser à The Little Girl named I, que le poète américain Cummings avait écrit pour sa petite fille. Même enchantement. Lorsqu’un écrivain met sa plume au service des petits sans renoncer aux exigences de son art, il leur témoigne le plus grand respect.

 

©Marie-Claude Bourjon

La poésie pour étendard, Anthologie de la poésie humaniste, tome 12

 

  • La poésie pour étendard, Anthologie de la poésie humaniste, tome 12 ; 98 pages ; Les Amis de Thalie, La Valade à F-87520 VEYRAC.

Originellement, La poésie pour étendard fut conçue comme un ouvrage de poésie citoyenne. Mais les poèmes de vie plus personnels n’y manquent pas. Même, il advient, comme dans le tome 12, qu’ils soient largement majoritaires.

Parmi la petite quarantaine des écrivains qui ont participé à ce tome s’apprécient plus particulièrement

  • Christian Hartweg qui restitue merveilleusement l’un de ces moments où, comme si le temps s’abolissait, nous percevons sur les lieux où ils vécurent, des disparus et leur quotidien,

  • Adrien Cannamela, exaspéré que l’ONU barguignât tant à voler au secours du peuple lybien,

  • Josette Frigiotti dont la poésie est allègre communion avec la nature et philosophie de vie,

  • Danielle Drab et Pascale Gruet qui mettent en évidence des aspects cauchemardesques de notre société,

  • Rayad Haïchour qui souligne combien l’étendue de nos choix de vie demeure relative,

  • Alfred Herman qui s’oppose à la peine de mort, encore en vigueur dans trop de pays et d’états, parce qu’elle tue souvent des innocents,

  • et Jules Masson Mourey qui évoque l’adieu plein de nostalgie d’un Vagabond.

Üzeyir Lokman çayci dont on regrette de ne plus voir les splendides encres de Chine en revue, Chantal Cros, Lena Rodrigues, Isa et Christian Boeswillwald par une photographie reproduite en quadrichromie qui est forte mais qui intrigue, enchantent quant à eux le regard de leurs œuvres.

◊Béatrice GAUDY

Trois espaces de liberté, Jean-Albert Guénégan

Jean-Albert Guénégan a son Finistère natal vissé au corps. Morlaisien comme Tristan Corbière à qui il rendit hommage en faisant éditer un timbre à son effigie, il est poète en communion étroite avec son environnement.

Et le présent recueil est tout entier imprégné de ces paysages bretons déclinés en trois espaces de liberté.

Le premier se dessine au plus près de sa demeure puisqu’il s’agit de son jardin, qu’il vouvoie respectueusement et contemple sans se lasser, sous la pluie ou la neige. Un jardin comme une source propice à l’éclosion de pensées multiformes. Jardin du souvenir aussi, où resurgit la figure du père.

Plus loin, il y a la Venise Verte, ce marais de tourbières, « un tableau à lui seul ». « Pour survivre / le marais chante / la lente agonie / de ma paix intérieure. »

Le troisième espace de liberté de Jean-Albert Guénégan, c’est l’Océan. La Côte de granit rose, Trégastel, Ouessant, les îles…Un poème rend hommage à Eric Tabarly, un autre s’intéresse au calculot, petit macareux côtier. Hommage encore à la profession de gardien de phare, disparue en 2004.

Sans surenchère poétique, Jean-Albert Guénégan nous livre ici son profond enracinement au cœur de cette terre bretonne aux flancs ciselés par la mer.

Sa paix intérieure puise là ses nourritures.

Sa poésie aussi.

Trois espaces de liberté, Jean-Albert Guénégan ; Editinter ; 100 pages ; 14€.

 

Alain Helissen

Dans la tanière du soleil, de Jean-Louis Bernard, Ed. Encres Vives, 2011  

Ecriture condensée jusqu’à l’extrême, voyage au bout / de l’inguérissable : Jean-Louis Bernard explore les contraires, malaxe la pâte blanche de sa page. Il ne se contente pas de cajoler, d’observer les mots, fractals d’une lumière commune. Il en cherche, au-delà des quanta, la fête incendiaire, la mémoire archaïque. C’est dans la noire intimité de l’astre, dans le four nucléaire de la poésie, dans la tanière même du soleil qu’il débusque son inspiration primale.

Mais de manière transitoire, incertaine, j’allais dire ondulatoire. À lui se présentent ces souvenirs rebelles et, dans le visage d’un désir, l’haleine des rires enclos. La fonction majeure du poète n’est-elle d’entrevoir l’invisible et de graver l’indicible, de radiographier les cœurs au-delà des corps, en un processus de reconstruction des outils langagiers ?

Jean-Louis Bernard, en poète confirmé, a ce génie-là : par décence, parlons d’aptitude. Celle d’ensorceler rythmes et métaphores, brûlures du verbe et fulgurances dans l’épaisseur virtuelle d’un cosmos. Au seuil d’un trou noir, cet opuscule ranime nos rétines ; il est publié par Michel Cosem, passeur éclairé, dans sa collection Encres Vives.

En quatrième de couverture : Le poème est également voix scandant le voyage à travers notre mémoire et nos empreintes. Ce texte est ponton pour rêves en partance, trait d’union pour imaginaires dans la gangue des jours, marche pied pour envols de fantasmes emplumés de soleils.

Claude LUEZIOR

LES AMIS DE MILOSZ – l’Harmattan (Cahier 51 de l’Association, collection Mare Balticum)

O.V. De L. Milosz, c’est dans ma jeunesse que j’y suis entré par les Sept Symphonie. « Voici venir Vitold avec les clefs. » J’entends encore cette phrase dans la bouche d’un de mes oncles. Puis des années d’amitié avec Jean Cassou, l’Association à laquelle j’ai appartenu un temps – et cessé d’appartenir j’ignore comment, sans doute à cause des voyages ! -, l’édition des œuvres complètes, belle édition, chez André Silvaire, m’en ont appris beaucoup plus sur ce poète lithuanien de langue française tant aimé des initiés, peu connu des autres, dont la poésie ample, (mais parfois trop chiffrée, trop cryptée, ésotérique, rebute dans ses derniers livres ceux qui tout ignorent de la Kabbale), ravira cependant les lecteurs amateurs d’une poésie simple, d’un romantisme moderne, émouvante : une poésie tantôt classique et versifiée, tantôt extrêmement hardie, actuelle et pensive. Les beautés simples des œuvres de ce poète sont stupéfiantes, ce qui explique que depuis sa mort un cercle de fervents, cercle qui s’élargit lentement mais sûrement, en ait entretenu la flamme envers et contre tout, contre les modes surtout, avec une fidélité et une constance impressionnantes. Dans ce numéro des Cahiers, on trouvera entre autres trois préfaces de Milosz pour de jeunes poètes ainsi que trois lettres, un entretien inédit avec le cher Jean Cassou, le poète des « sonnets écrits au secret », qui disait de Milosz qu’il était son maître et citait ce repas avec lui où simplement, le poète des oiseaux, suggérait en guise de dessert : « Et si nous prenions une bonne confiture ! » Ce que Jean Cassou, ami aussi du Kabbaliste Carlo Suarès et de Joë Bousquet (vaste programme), racontait avec son accent de gourmandise inimitable. On trouvera également quatre études résolument passionnantes, l’une d’Édouard Glissant (le poète fameux décédé en 2011), une d’Alexandra Miekus de l’Université d’Alberta au Canada, une de la « miloszienne » Olivia Cohen, une page d’une autre « miloszienne » Janine Kohler. Et le dernier tiers du numéro contient diverses chroniques relatives aux événements concernant O. Milosz, mais aussi son neveu Czeslaw, le poète prix Nobel polonais, Jean Cassou, etc… assorties de photographies, d’un poème de O. Milosz et de notes. Cent cinquante-huit pages d’émotion, de souvenirs et de réflexions précieuses, pour découvrir ou redécouvrir une des grandes voix de la poésie française dont Apollinaire pensait que c’était l’une des premières de son temps.

Xavier Bordes