
O.V. De L. Milosz, c’est dans ma jeunesse que j’y suis entré par les Sept Symphonie. « Voici venir Vitold avec les clefs. » J’entends encore cette phrase dans la bouche d’un de mes oncles. Puis des années d’amitié avec Jean Cassou, l’Association à laquelle j’ai appartenu un temps – et cessé d’appartenir j’ignore comment, sans doute à cause des voyages ! -, l’édition des œuvres complètes, belle édition, chez André Silvaire, m’en ont appris beaucoup plus sur ce poète lithuanien de langue française tant aimé des initiés, peu connu des autres, dont la poésie ample, (mais parfois trop chiffrée, trop cryptée, ésotérique, rebute dans ses derniers livres ceux qui tout ignorent de la Kabbale), ravira cependant les lecteurs amateurs d’une poésie simple, d’un romantisme moderne, émouvante : une poésie tantôt classique et versifiée, tantôt extrêmement hardie, actuelle et pensive. Les beautés simples des œuvres de ce poète sont stupéfiantes, ce qui explique que depuis sa mort un cercle de fervents, cercle qui s’élargit lentement mais sûrement, en ait entretenu la flamme envers et contre tout, contre les modes surtout, avec une fidélité et une constance impressionnantes. Dans ce numéro des Cahiers, on trouvera entre autres trois préfaces de Milosz pour de jeunes poètes ainsi que trois lettres, un entretien inédit avec le cher Jean Cassou, le poète des « sonnets écrits au secret », qui disait de Milosz qu’il était son maître et citait ce repas avec lui où simplement, le poète des oiseaux, suggérait en guise de dessert : « Et si nous prenions une bonne confiture ! » Ce que Jean Cassou, ami aussi du Kabbaliste Carlo Suarès et de Joë Bousquet (vaste programme), racontait avec son accent de gourmandise inimitable. On trouvera également quatre études résolument passionnantes, l’une d’Édouard Glissant (le poète fameux décédé en 2011), une d’Alexandra Miekus de l’Université d’Alberta au Canada, une de la « miloszienne » Olivia Cohen, une page d’une autre « miloszienne » Janine Kohler. Et le dernier tiers du numéro contient diverses chroniques relatives aux événements concernant O. Milosz, mais aussi son neveu Czeslaw, le poète prix Nobel polonais, Jean Cassou, etc… assorties de photographies, d’un poème de O. Milosz et de notes. Cent cinquante-huit pages d’émotion, de souvenirs et de réflexions précieuses, pour découvrir ou redécouvrir une des grandes voix de la poésie française dont Apollinaire pensait que c’était l’une des premières de son temps.
□ Xavier Bordes