Une chronique de David Le Golvan
« Prévention signalétique »
Iren Mihaylova, Ciel de ma mémoire, L’Appeau’Strophe Éditions, collection Âmes poétiques, pages 86, (12,7 x 17,5 CM), juin 2024.
Prévention signalétique…Peut-être que lire un poème ne consisterait qu’à emprunter un chemin, un de ces chemins noirs à la carte, vermiforme ou piliforme, une sente qui n’aboutit qu’à une terra incognita, une tache blanche, une de celles qui faisaient encore fantasmer les explorateurs d’autres siècles, une voie sans « issue » (au sens anglais du terme) tout compte fait parce qu’elle n’engage que celui qui s’y aventure délibérément, sciemment et en toute méconnaissance de cause.
On emprunte un recueil de poésie, on emprunte un chemin… il y a bien là une étrange et cauteleuse retenue dans le verbe, la promesse impertinente d’une restitution équitable, le serment jamais respecté d’une prudence. Je gage pourtant que le poète n’est pas dupe de cette fausse politesse d’usage : toute lecture, même anonyme, quand elle est traduite comme ici en mots, laisse une empreinte, corne les pages, se superpose effrontément au débroussaillement qu’opère l’écrivain de cette voie qu’il s’est lui-même tracée.
J’avais quitté Iren Mihaylova au terme de son recueil « échoral » Lumineux désastres dans l’intimité d’un dialogue poétique.Je la retrouve, seule, au détour d’une nouvelle route, « Route sous l’oubli », qui trace l’aspiration d’un prolongement de la parole ( « La phrase aussi longue que ma route sous l’oubli . »). Promesse tenue dans sa facture : à rebours des vers pulvérisés sous l’inquiétude du deuil, lus dans Tirer les ombres – son précédent recueil paru chez Sans crispation éditions. La composition de Ciel de ma mémoire sillonne cette fois, du moins en sa musique (« Chaque virgule est un rêve de prédilection ») dans une quiétude fragile, plus strophique et semble, par moments, se donner une nouvelle direction ( « désunies, mes peurs ne peuvent plus m’empresser », « je n’ai plus peur des reflets lumineux de la nuit », « chaque jour est une main tendue vers la quiétude »). Mais par moments seulement puisque toute main tendue ne garantit pas d’être saisie durablement et menace de glisser. La récurrence des motifs nocturnes, de mots comme « prostrée », « hantée »… d’oxymorons menaçants comme « boucliers de fantômes » ramènent à la conscience du « je » lyrique la timidité des lueurs d’étoile, l’aspiration des gouffres et la menace pansélénique. La voie empruntée par la poétesse n’écarte pas « la pénombre des allées ».
Poésie constellée, oui sans doute… mais dans le cheminement par étapes de mes lectures d’Iren Mihaylova affleure une tension permanente entre le céleste, où menace « le Soleil Noir de la mélancolie » et l’en-dessous, le terrestre, parfois maritime ou floral, un paysage à la fois intime et ouvert à tout un chacun (la langue poétique d’Iren Mihaylova rappelle, par moments, dans sa capacité d’accueil, les « diamants noirs » d’Éluard ou de Desnos), tout autant estival que menaçant d’orages… et pour les joindre seul le rêve lourd de mémoire.
© David Le Golvan, romancier, chroniqueur
COMMUNIQUÉ DE PRESSE L’Appeau’Strophe éditions
juin 2024
Ciel de ma mémoire
Nouveau recueil de poésie d’Iren Mihaylova
Paru le 20 juin 2024, dans la collection Âmes poétiques de L’Appeau’Strophe, Ciel de ma mémoire est un recueil de poésie écrit par Iren Mihaylova.
Ciel de ma mémoire, est une invitation au voyage de la pensée. Mais d’une pensée qui fait l’expérience.
Le titre convoque une espérance à propos d’un passé dont on pourrait extraire une pleine conscience. Il invoque également un désir d’« infini », le témoin d’une « éternité », l’origine-lumière « du trou de » la « mémoire ».
Après avoir « tiré les ombres » * d’un soleil noir à coudre, la poète, ici, les étire, en quelque sorte, comme un être cousu de cette « éternité », de ce désir de traverser « la chaude lumière ». N’oubliant pas qu’« on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » (Héraclite). Elle avance. Sans vraiment savoir. Le pas effréné. Le pas hésitant. Toujours un peu plus. Elle tient. Le temps du jour. À l’écart. Elle tient. Un autre temps. Dépouillé « pour se mettre à nu ». Elle ne retient. Que cette phrase-douleur. Dans la nuit qui l’a « bercée à tort».
EXTRAIT
Certains jours dans mon d’Est m’éveillent la pluie,
l’eau qui dérobe les bords des fenêtres
et la marée qui foisonne ;
Je m’endors lentement comme pour
chasser
la soif des mots ;
comme si les caresses des souvenirs
portaient la mémoire des fleurs.
Iren MIHAYLOVA est poétesse, écrivaine, peintre, psychanalyste et cocréatrice de la revue et espace de création contemporaine « Peau Électrique ». Elle écrit en français et en bulgare. Elle est l’autrice de sept recueils de poésie dont un livre collaboratif et un livre d’artiste, ainsi que d’un roman intitulé Lettres à mon Autre (2024) et d’un récit autobiographique publié prochainement sous un pseudonyme.
Contact presse : Nour CADOUR
lappeaustrophe@gmail.com
https://www.lappeaustrophe.net
