Béatrice Gaudy a lu et commenté

Les tambours du vent, Christian AMSTATT, Poèmes, Œuvres graphiques de Violette BARBOSA. Préface de Maurice COTON. Les Presses Littéraires, 48p., 10 €. Disponible chez Christian Amstatt, 51, rue Léonard de Vinci à F-21000 Dijon.

« Bien qu’invisible et sans couleur / je porte en moi la force inaltérable de la destruction / commandant à l’eau comme au feu / et pourtant / j’ensemence à tout va l’espoir du renouveau / que chaque aube réveille / et le poème initiateur des incendies de demain / qui renverront l’humanité à sa source première // Pudiquement on me nomme…. LE VENT » (p.5). Les forces primordiales inspirent aux meilleurs auteurs une poésie à leur image, à la fois forte et singulière. Qui n’a été emporté, subjugué, par les Vents de Saint-John Perse, ou n’a cru assister aux flux et reflux des océans et des mouvements tectoniques dont naquirent les continents avec Ter de Paul Mathieu, l’un des poètes contemporains les plus notables de ma connaissance ? Par la qualité, l’amplitude du souffle de sa poésie, Christian Amstatt dans Les tambours du vent s’inscrit dans cette lignée auguste. Les vents auxquels il donne littéralement voix sont, par certains égards, très différents de ceux de Saint-John Perse mais ils sont eux aussi « de très grands vents sur toutes faces de ce monde ». Christian Amstatt, dans son recueil, ne s’intéresse en effet aucunement à la brise et autres souffles qui murmurent tout bas à l’oreille, mais à cette puissance dont les rafales résonnent comme autant de coups de tambours mimés par le rythme que créent les répétitions des mots « Les tambours du vent », et celles d’images puissantes et justes tel ce « couteau des songes » qui a la violence de l’éclair. Comme nuls autres, pleines incarnations de la liberté puisqu’ils sont non seulement impossibles à maîtriser, à dominer, mais même à saisir, ces vents puissants portent jusqu’à nos tympans l’écho des lointains dont ils viennent, des lointains dans l’espace comme dans le temps : « Les tambours du vent / résonnaient sur le ciel / et lançaient à l’infini / l’écho lointain des galaxies en colère / reflétant déjà / toute l’eau à venir / d’un temps de lumière // Issue des milieux de poussière/ une étoile naissante / agglutinait autour d’elle / quelque promesse de planète » (p.8).« Les tambours du vent rediront // L’essoufflement des brumes / la légende perdue / des traces les plus intimes / des migrations anciennes / et même les poussières / au galop, des chevaux échevelés / que la levée d’un unique regard / mettait en marche sur les steppes » (p.10). Intemporel, ou plutôt omnitemporel, ce vent nous reporte en ces temps du début de l’humanité comme aussi bien en ces espaces ou aujourd’hui encore il étend son règne de destruction et de vie puisque, ainsi que toutes les forces naturelles, il est ambivalent : « Les tambours du vent / debout sur leurs échasses / criaient d’une voix caverneuse / tout l’espoir d’une grève / que la plage magnifiait / plus riche que source vive / plus belle encore que vengeance assouvie / face à l’irréelle sublimation / d’une mort annoncée / face à face / dans un regard… de CRS » ( p.31 ). L’inspiration de Christian Amstatt ne ressemble qu’à elle-même. Mais par sa qualité elle s’élève aux sommets de l’art poétique. Il est vrai que l’auteur n’en est pas à son coup d’essai puisque dans la partie inaugurale « ELEMENTS – Galaxie – Terre – Eau – Désert » de son recueil De glace et de feu il avait déjà évoqué avec une intensité particulière le cosmos. Dire plus de ses tambours du vent serait sans doute ne faire qu’un peu de verbe, un peu de bruit sur ce qui mérite de se laisser pleinement ressentir. Simplement : il s’agit d’un très grand recueil. Il est à remarquer que la couverture de l’ouvrage s’orne d’une fort belle peinture de Violette Barbosa qui a également réalisé les dessins qui s’intercalent entre les poèmes.

Chronique parue dans le N° 56 – Automne – 2009