Arnaud Guillon, En amoureux, Éditions Héloïse d’Ormesson, (172 pages – 17€), Mars 2017

Chronique de Nadine Doyen

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Arnaud Guillon, En amoureux, Éditions Héloïse d’Ormesson, (172 pages – 17€), Mars 2017

Le roman s’ouvre sur une fête organisée par un couple qui pend la crémaillère.
Vont s’y croiser Nino, une jeune femme archéologue, céramologue et Paul, documentariste. Très vite, cette « liane brune » tombe sous le charme de Paul.
Paul cherche à en savoir plus auprès de Félix : il apprend que « son couple bat de l’aile », qu’elle a un enfant. Serait-elle victime de la crise de la quarantaine ?
On suit les rencontres clandestines, torrides de Ninon avec Paul. Un vrai cataclysme.
On peut être perdu, le récit naviguant entre le présent et la liaison improbable et le passé qui par flashback remonte à la naissance de l’amour avec son mari Thaddée. On fait escales dans divers lieux : Porquerolles, la Provence, Paris , les Cyclades.
Ninon, mue par le désir grandissant d’être avec Paul, lui suggère une escapade.
C’est après des vacances en famille que Ninon prend la liberté de s’envoler avec Paul, « en amoureux », bien que ce dernier soit encore habité par Chiara.
C’est sur l’île de Paros, aux paysages paradisiaques («  transparence turquoise »), que Paul a choisi de vivre leur amour neuf sans avoir à se cacher. Paul compte rendre visite à un couple d’ amis installé avec sa famille.
Arnaud Guillon s’avère un excellent peintre paysagiste, quand il décrit Paros, sa végétation (glycine, bougainvillées, hortensias, cyprès), la côte rocheuse, les collines fauves. « Tout, dans ce paradis, suscitait l’amour. »
L’auteur distille un cocktail d’effluves (jasmin, Heure bleue, Nahema), de couleurs, de saveurs (pistaches, rapsani), de bruits( cigales, clapotis) et titille nos sens.
Si Sylvain Tesson considère le livre comme indispensable sur une plage, pour Ninon qui se plonge dans Le bel été de Pavese et Paul dans Paris est une fête de Hemingway, cela traduit plutôt l’ennui, ou le besoin de s’éloigner de l’autre.
Leurs baignades restent leur seul moment de communion.
Voilà Paul qui s’interroge sur les causes de la distance que prend Ninon, de son détachement, de son indifférence, de son refus de tendresse, d’étreintes, de baisers. Le lecteur aussi. Compte tenu de leurs ébats parisiens, des textos échangés, de leur emballement, comment expliquer un tel soudain revirement ? Le sentiment de tromper son mari la tarauderait-elle ? Aurait-elle un once de culpabilité ? Cette liaison extra-conjugale mettrait-elle du piment dans son quotidien ?
La vérité, Ninon la lui crache un matin. Si inattendu cet aveu que Paul a de quoi être déboussolé, secoué et nourrir des désillusions. L’inconstance de Ninon nous questionne. Son instinct maternel refait surface en jouant avec Flore.
Pas facile de ne rien laisser paraître lors de leur visite chez les amis de Paul qui eux voient en Ninon sa petite amie. Alice et Bruno font couler du champagne « Drappier » pour ces retrouvailles, comme Amélie Nothomb, tout en revisitant leurs années estudiantines. On dîne à La Rotonde !
N’en pouvant plus de cette situation, Ninon signifie à Paul son désir de rentrer à Paris au plus vite. Va-t-elle réussir à changer les billets ? À abréger leur séjour qui a tourné au fiasco ? Une vraie mascarade ! Laissons le lecteur spéculer.
Toujours est-il que Paul connaît la réponse à la citation d’Aragon, mise en exergue, : « C’est fait comment, un coeur de fille » ? Sa déréliction attriste.
Arnaud Guillon poursuit son exploration du thème de l’amour comme dans Tableau de chasse. Ici, il décortique les intermittences du cœur de son héroïne Ninon Faber et radiographie cet attachement aveugle, l’expression du désir qui change de cible.
Pour Philippe Labro « Ce ne sont pas les lieux qui comptent, c’est l’amour qu’on y transporte. » Il est certain que Paros sera un souvenir assombri, amer pour les deux protagonistes, mais lumineux pour le lecteur, les lieux étant mémoire.
L’enfer pour les uns, le paradis pour d’autres.
Arnaud Guillon signe un roman montrant que l’amour continue à défier les lois de la raison, mettant en garde contre l’emballement passionnel qui n’a qu’un temps.

©Nadine Doyen